Lettre au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire

Le 9 janvier 2024

Monsieur le Ministre MacAulay et Monsieur Anthony Parker,

Le Comité consultatif sur la protection des obtentions végétales est un groupe de l'industrie inscrit dans la Loi sur la protection des obtentions végétales pour fournir des conseils au commissaire à la protection des obtentions végétales du Canada (POV). Par le biais de cette lettre, le comité souhaite mettre en évidence plusieurs améliorations qui sont nécessaires pour assurer le succès continu du cadre de propriété intellectuelle (PI) au Canada. Ces améliorations ont été cernées lors de discussions et de consultations avec les intervenants du secteur, et leur nécessité a été étayée dans divers rapports commandés par le gouvernement.

Selon le rapport Innover pour un meilleur Canada : Ce que nous avons entendu (PDF) d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada, le Canada est dans une course mondiale à l'innovation. L'innovation est la clé de la croissance économique et de la compétitivité du Canada; cependant, l'innovation doit être cultivée. Les droits de propriété intellectuelle (PI) sont essentiels pour encourager l'innovation ainsi que l'ingéniosité et la créativité des Canadiens. Les obtentions végétales sont une forme unique de PI qui permet aux sélectionneurs de protéger les nouvelles variétés, qui sont au coeur de nos industries agricole, horticole et paysagère, entre autres. L'innovation dans ce domaine est plus importante que jamais, étant donné la nécessité de s'adapter aux changements climatiques et d'atténuer ceux-ci, tout en continuant à assurer la sécurité alimentaire. Le potentiel libéré par la sélection végétale est stupéfiant.

Bien que le Canada dispose d'un cadre de PI solide pour les variétés, ayant modifié la LPOV en 2015 pour se conformer à l'Acte de 1991 de la Convention de l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), il reste encore du travail à faire pour libérer le potentiel du Canada dans à un environnement en constante évolution. Le récent rapport Évaluation de l'incidence liée aux modifications législatives de 2015 apportées à la Loi sur la protection des obtentions végétales du Canada et à la ratification de l'UPOV 91 souligne les succès de notre cadre de protection des obtentions végétales (POV) pour permettre l'innovation dans le secteur des végétaux depuis les dernières modifications majeures. Ce rapport, qui comprend un examen des statistiques et des opinions des intervenants, ainsi que des études de cas spécifiques, indique également ce qu'il faut considérer comme des possibilités futures pour améliorer encore la position du Canada en tant que nation qui encourage et respecte l'innovation. Le rapport révèle des possibilités spécifiques de prolonger la durée des protections pour certains types de cultures dont le processus de sélection est plus long et dont l'adoption par le marché prend plus de temps, l'exclusion de certains types de cultures (comme les arbres fruitiers, les baies et les plantes ornementales) du « privilège de l'agriculteur » et un système national de création de valeur pour la perception de redevances sur les semences conservées par les agriculteurs ou les produits de la récolte. C'est pourquoi le comité vous présente les remarques et recommandations suivantes afin que le commissaire du Bureau de la protection des obtentions végétales (BPOV) et vous-même puissiez en prendre connaissance immédiatement.

Financement du Bureau de la protection des obtentions végétales (BPOV)

Le comité recommande de maintenir la structure tarifaire existante telle qu'elle est prescrite dans le Règlement sur la protection des obtentions végétales (RPOV), sous réserve des augmentations annuelles liées à l'inflation prévues par la Loi sur les frais de service. Tous les frais qui ne sont plus applicables en raison des modifications de la LPOV en 2015 devraient être retirés de l'annexe II du RPOV. Les coûts de prestation directs du régime de PI devraient être financés par des affectations budgétaires tirées des redevances perçues par l'ACIA pour les services de POV. Les coûts indirects, y compris les frais généraux, les services internes et les services administratifs, devraient continuer à être assumés par le gouvernement.

Renseignements additionnels

Comme le comité l'a indiqué dans des lettres de conseils antérieures, le financement provenant des frais de service était destiné à soutenir la prestation du régime de PI, et ce dès la création du BPOV en 1990. En fait, dans le cadre de l'établissement des frais et de la structure de financement il y a plus de 30 ans ainsi que récemment (2022), le comité a indiqué au gouvernement que les revenus déclarés par le BPOV à l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) pour les services de POV étaient suffisants pour couvrir les coûts directs salariaux et non salariaux de prestation du régime de PI. Nous félicitons le gouvernement pour sa capacité à exécuter efficacement le régime de POV grâce à des frais qui sont restés relativement stables, seules des hausses dues à l'inflation ayant été appliquées au cours des dernières années. Toutefois, le comité est d'avis que les frais de service liés à la POV doivent rester compétitifs par rapport aux autres instances internationales afin d'attirer l'investissement et l'innovation au Canada. Le comité reconnaît que les droits de PI sont des « droits privés », mais il est largement prouvé qu'ils procurent des avantages publics et des résultats stratégiques substantiels, comme l'indiquent les études d'impact de 2002 et de 2023 :

Par conséquent, le comité considère le financement et l'exécution réussie du régime de POV comme une responsabilité partagée entre le gouvernement et les utilisateurs/bénéficiaires du système. Dans cette optique, nous recommandons que les coûts directs de la prestation du régime de POV (salaires et fonctionnement) soient financés par les recettes versées à l'ACIA qui sont tirées des droits perçus pour les services de POV. Les coûts indirects, y compris les frais généraux, les services internes et les services administratifs, devraient continuer à être assumés par le gouvernement. Ce type de modèle de financement a fait ses preuves non seulement au Canada au cours des 30 dernières années, mais aussi dans d'autres administrations.

Modifications réglementaires

Dans le but de renforcer le régime de POV pour attirer l'innovation et améliorer la compétitivité, le comité recommande à l'ACIA de lancer une consultation en ligne au cours de l'hiver 2024 et de publier ensuite un rapport « Ce que nous avons entendu », avec comme objectif de publier des modifications au RPOV dans la Partie I de la Gazette du Canada vers la fin de l'automne 2024/début de l'hiver 2025. La consultation en ligne devrait être axée sur le prolongement de la durée de la protection pour des types de cultures et des variétés précis, ainsi que pour les clones et autres matériels de multiplication, lorsque cela se justifie, et sur l'exclusion de certains types de variétés de l'exemption au titre du « privilège de l'agriculteur », dans les cas où la conservation et la réutilisation des semences n'est pas une pratique coutumière de longue date.

Renseignements additionnels

Les modifications du RPOV continuent de figurer parmi les priorités de l'ACIA, comme indiqué dans le Plan prospectif de la réglementation. Toutefois, le comité note que ces modifications proposées au RPOV figurent dans le Plan depuis un certain temps, et nous pensons qu'elles doivent maintenant progresser dans un avenir très proche pour soutenir des investissements plus importants et l'innovation dans le domaine de la sélection des végétaux. Cela profitera non seulement aux innovateurs, mais aussi, à terme, aux agriculteurs et aux producteurs canadiens, qui verront leur compétitivité et leur prospérité s'accroître. Le comité et l'industrie continuent de réitérer leur appui au prolongement de la durée de la POV à 25 ans pour les types de cultures dont la sélection et l'acceptation par le marché prennent plus de temps, comme les pommes de terre, les asperges et les plantes ligneuses. Le comité est également favorable à la limitation du champ d'application du « privilège de l'agriculteur » aux seuls types de cultures pour lesquels les agriculteurs ont l'habitude depuis longtemps de conserver et de réutiliser les semences, comme les céréales et les légumineuses. Ainsi, l'exemption au titre du « privilège des agriculteurs » ne devrait pas s'appliquer : aux variétés hybrides, aux variétés parentales consanguines et aux variétés à multiplication asexuée (à l'exception des pommes de terre). Actuellement, la protection de la PI qu'offrent la LPOV et son règlement d'application est plus faible que celle offerte dans de nombreuses administrations aux vues similaires, qui sont également nos concurrents pour ce qui est d'attirer des investissements dans la sélection végétale et d'accéder à de nouvelles variétés de plantes.

Simplifier le processus de demande de POV pour en améliorer l'efficacité et l'accessibilité

Le comité recommande au BPOV de promouvoir le système UPOV PRISMA et d'encourager les demandeurs à l'utiliser comme moyen préférentiel de présenter des demandes. À cette fin, le comité recommande d'ajouter un frais à l'annexe II du RPOV, de manière à ce qu'il en coûte nettement moins cher de soumettre une demande dans l'UPOV PRISMA que de soumettre une demande papier.

Renseignements additionnels

Comme indiqué dans les précédents avis de ce comité, de nombreuses autres administrations, telles que l'Australie, l'Union européenne, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud et les États-Unis, ont mis en place des systèmes électroniques offerts sur le web pour le dépôt des demandes de POV. Nous félicitons le Canada d'avoir adopté le système UPOV PRISMA pour les demandes électroniques et le système e-PVP pour l'échange de données entre les membres de l'UPOV. Toutefois, d'après les informations communiquées par le BPOV, la majorité des demandes reçues par celui-ci continuent d'être présentées sur papier. Un système papier constitue un fardeau administratif et financier pour les demandeurs canadiens et étrangers et réduit l'efficacité globale et la rapidité du traitement des demandes par le BPOV. Plus de 70 pays utilisent actuellement le système UPOV PRISMA, qui constitue une solution peu coûteuse et efficace comparativement à la mise en place et à l'entretien de systèmes individuels par chaque pays. En outre, pour les demandeurs canadiens qui utilisent le système PRISMA, il devient aussi plus facile de présenter également des demandes auprès d'autres administrations.

Participation active et leadership dans l'établissement de normes internationales

Le comité recommande que le BPOV continue à jouer un rôle fort et actif dans l'établissement de normes internationales dans des domaines d'intérêt stratégique et technique pour les sélectionneurs et les agriculteurs canadiens, y compris le Conseil, le Comité consultatif, le Comité administratif et juridique et le Comité technique de l'UPOV, ainsi que les groupes de travail techniques de l'UPOV sur les plantes agricoles, les plantes fruitières, les plantes ornementales et les arbres forestiers, les plantes potagères, et les méthodes et techniques d'essai.

Renseignements additionnels

Le comité continue d'être favorable à l'engagement du gouvernement dans l'établissement de normes internationales et le renforcement des capacités relativement à l'UPOV. Le comité est heureux d'apprendre que le commissaire du BPOV a été récemment élu vice-président du Conseil de l'UPOV et que deux examinateurs du BPOV viennent de terminer leur mandat à la présidence de groupes de travail techniques de l'UPOV. Il est essentiel pour le succès du Canada que nous continuions à attirer des investissements dans le domaine de la sélection végétale et à mettre en marché de nouvelles variétés innovantes. À cette fin, le Canada doit avoir une présence forte et continue au sein de l'UPOV, en veillant à ce que les normes multilatérales internationales restent efficaces pour nos sélectionneurs et nos agriculteurs.

Le comité exhorte également le gouvernement à envisager d'accueillir la 55e séance du Groupe de travail technique sur les plantes agricoles de l'UPOV à Saskatoon (Saskatchewan) en 2026.

Renseignements additionnels

En 2018, le Canada a signalé son intention d'accueillir la 49e séance du Groupe de travail technique sur les plantes agricoles de l'UPOV à Saskatoon (Saskatchewan), du 22 au 26 juin 2020. Malheureusement, la pandémie mondiale de COVID-19 a nécessité l'annulation d'une séance en personne, et la réunion s'est déroulée en mode virtuel. Par conséquent, le Canada a manqué une occasion importante de présenter ses institutions publiques et privées de sélection végétale de classe mondiale et le lien direct entre l'investissement et l'innovation et un cadre de PI solide reposant sur l'UPOV. Le comité invite le gouvernement à envisager d'accueillir un groupe de travail technique de l'UPOV dans un avenir proche.

En conclusion

En conclusion, au nom des membres du comité, qui se sont récemment réunis en personne à Ottawa les 13 et 14 décembre 2023, j'aimerais exprimer notre sincère appréciation pour la possibilité continue qui nous est fournie de formuler des conseils qui, une fois mis en œuvre, renforceront le cadre de PI du Canada visant les végétaux, ce qui en définitive va favoriser la croissance et la compétitivité dans les secteurs de l'agriculture, de l'horticulture et des plantes ornementales.

Cordialement,

Le Comité consultatif sur la protection des obtentions végétales