Le casse-tête derrière une enquête sur les éclosions de maladies d'origine alimentaire

Derrière chaque éclosion d'intoxication alimentaire se cache une équipe de détectives qui travaillent sans relâche pour en trouver la source. Dans cet épisode du podcast, 4 experts de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, de Santé Canada et de l'Agence de santé publique du Canada, expliquent comment ils établissent des liens et sauvent des vies. Inscrivez-vous pour recevoir des avis de rappels d'aliments et d'alertes.

Le casse-tête derrière une enquête sur les éclosions de maladies d'origine alimentaire – Transcription audio

Michelle Strong (co-animatrice) : Si tu croyais être victime d'une intoxication alimentaire, est-ce que tu le signalerais? Prendrais-tu un test?

Lorsqu'il s'agit d'éclosions de maladies d'origine alimentaire, des équipes de détectives travaillent sans relâche, 24 heures sur 24, pour trouver les coupables et sauver des vies.

Dans cet épisode, 4 détectives canadiens vont nous parler de leurs enquêtes et de leurs cas résolus.

Greg Rogers (co-animateur): Michelle, je crois qu'il est temps de présenter nos invités.

J'introduis notre première détective, Meghan, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Bonjour Meghan.

Meghan Griffin (invitée): Bonjour, je m'appelle Meghan Griffin et je suis spécialiste de la salubrité et des rappel d'aliments au Bureau de la salubrité et des rappels des aliments a L'ACIA.

Greg: Avez-vous l'impression d'être comme genre de Sherlock Holmes ou de faire partie d'une épisode de CSI? Est-ce que vos enquêtes ressemblent à ce qu'on voit à la télévision?

Meghan: Oui, oui. C'est vraiment cool. Je dirais que nous recevons des centaines, voire des milliers de dossiers à chaque année, alors il n'y a jamais deux enquêtes pareilles. Mais oui, en réalité, ça prend un petit peu plus de temps. Surtout quand je pense à tout ce qui concerne les éléments en laboratoire. Vous savez, pour faire des analyses, pour identifier un pathogène ou une bactérie. Dans un tel cas, ça peut prendre quelques jours, quelques semaines. Ensuite, si on doit faire des analyses de l'ADN, ça peut prendre quelques semaines de plus encore.

Greg : Voici maintenant Tanis et Courtney.

Tanis : Salut ! Je suis Tanis Kershaw et je suis gestionnaire de la Division de la gestion des éclosions de l'Agence de la santé publique du Canada.

Courtney : Et moi c'est Courtney Smith. Je suis épidémiologiste principale aux côtés de Tanis dans la Division de la gestion des éclosions.

Le terme « épidémiologiste » est défini comme une personne qui étudie les tendances et les causes des maladies. Mais de manière plus informelle, j'explique souvent le rôle d'un épidémiologiste comme étant une sorte de détective des maladies. Pour ceux qui ne peuvent pas me voir, je fais des guillemets gestuels.

Tanis : C'est vrai que je nous vois comme des détectives. Je ne sais pas si les vrais détectives apprécieraient l'analogie (rires), mais nous avons vraiment l'impression d'être à la recherche d'indices et d'éléments de preuve et nous tentons d'en faire un tout logique.

Michelle : Et en fin, je vous présente notre 4ième détective, Émilie.

Émilie Turgeon (invitée) : Bonjour. Je m'appelle Émilie Turgeon. Je suis évaluatrice scientifique à Santé Canada.

Émilie : Ça va faire un peu plus de sept ans maintenant que j'occupe ce poste. C'est sûr que, dans mon cas, mon rôle est davantage axé sur la microbiologie, mais les matières étrangères font aussi partie de notre mandat, et nous avons des collègues qui, eux, sont des spécialistes des allergènes, de la qualité nutritionnelle ou des contaminants chimiques. Donc, si on revient à notre évaluation de risque, la première étape est l'identification du danger, et le danger peut être beaucoup de choses : il peut être tout ce qu'on vient de nommer. Ceci dit, dans bien des cas d'éclosion de maladie d'origine alimentaire, c'est vraiment un micro-organisme qui est en cause. C'est un problème d'ordre microbiologique.

Greg : Bonjour, c'est Greg.

Michelle : Et c'est moi Michelle. Et vous écoutez Inspecter et protéger le balado officiel de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Greg : Où l'on discute de la salubrité des aliments, de la protection des végétaux et de la santé animale.

Michelle : Donc, on va dire qu'il se passe une éclosion en ce moment et que l'on doit commencer une enquête. Pouvez-vous nous expliquer, étape par étape, comment cela ça se passerait?

Meghan : Lorsqu'il y a une enquête, c'est toujours les mêmes étapes, même si elles sont un petit peu différentes chaque fois dépend de ce qu'est l'élément ou le danger

Émilie : Dans le contexte d'une enquête sur une éclosion où il y a beaucoup de cas de maladie, il y a tout un processus impliquant différents partenaires au niveau fédéral, provincial et municipal qui va accumuler des informations. Donc, au départ, c'est l'Agence de la santé publique qui utilise ces différents moyens de surveillance pour déterminer s'il y a un signal. Il y a beaucoup de gens qui sont malades pour la même raison, qui ont les mêmes symptômes.

Tanis : Pour ce qui est de la manière dont nous détectons l'éclosion, il faut d'abord que les gens soient exposés à des aliments contaminés, qu'ils tombent malades et qu'ils cherchent ensuite à se faire soigner. Ils doivent donc se rendre à l'hôpital ou consulter un médecin pour recevoir ou faire analyser un échantillon de selle. Si l'échantillon s'avère positif pour quelque chose comme E. coli ou la salmonelle, le cas sera signalé au service local de santé publique, de la région où la personne contaminée vit. Un représentant du service local de santé publique l'appellera et lui posera des questions sur les aliments qu'elle a consommés avant de tomber malade, sur les contacts qu'elle a pu avoir avec des animaux, sur les voyages, sur l'exposition à l'eau, etc. En même temps, l'échantillon est soumis à d'autres tests en laboratoire afin d'en savoir plus.

Émilie : Et là, eux, ils vont faire leur enquête épidémiologique, ils vont chercher à savoir quelle est l'histoire des gens qui ont été malades, qu'est ce qui leur est arrivé, qu'est-ce qu'ils ont mangé. Est-ce qu'ils ont mangé à un endroit en particulier? Est-ce qu'ils ont tous mangé le même aliment ou y a-t-il autre chose en commun?

Courtney : Lorsque nous enquêtons sur les éclosions, nous avons accès à plusieurs outils différents, mais le plus important est sans aucun doute l'entrevue.

Il s'agit de recueillir des renseignements très précis sur ce que les personnes ont mangé avant d'être malades. Nous appelons chaque personne victime de l'éclosion pour lui demander ce qu'elle a pu manger au cours d'un certain nombre de jours avant de tomber malade. Notre objectif est de trouver les points communs entre tous les cas et la source de l'éclosion. Mais, évidemment, comme toute chose, il y a un piège. Il s'écoule souvent 4 à 6 semaines entre le moment où une personne est malade et celui où nous l'appelons pour l'interroger de nouveau. Heureusement, nous disposons d'un grand nombre d'intervieweurs compétents et de stratégies variées pour aider les personnes à se souvenir de ce qu'elles ont mangé il y a un ou deux mois, parfois même plus longtemps.

Tanis : Nous allons donc chercher à savoir si ces personnes ont quelque chose en commun par rapport aux aliments qu'elles ont consommés. S'agit-il de personnes qui mangent sainement et qui ont un régime alimentaire composé de fruits et de légumes, ou bien d'un type d'aliment très particulier? Nous nous intéressons également à l'âge. Sont-elles toutes d'âge différent ou observe-t-on un grand nombre de jeunes enfants dans un groupe de cas, ce qui pourrait nous donner un indice? Qu'est-ce qu'elles mangent qui pourrait être différent des autres groupes d'âge?

Michelle : C'est un vrai travail de détective.

Tanis : Oui, c'est ce que nous pensons! (pause) Nous nous intéressons également à l'endroit où les personnes vivent. Le fait de vivre en milieu urbain ou rural peut être un indice utile, car si vous vivez dans une petite ville, il n'y a peut-être qu'une seule épicerie où vous vous approvisionnez, ce qui peut limiter le choix d'aliments disponibles.

Courtney : Nous pourrions poser encore plus de questions, par exemple, si elles peuvent consulter leurs relevés bancaires ou leurs transactions effectuées par carte de crédit pour voir si elles sont allées au restaurant ce jour-là ou si elles sont allées à l'épicerie ou dans un café, nous pourrions leur demander si elles ont des reçus de leurs achats à l'épicerie pour la période en question. De nos jours, de nombreuses personnes prennent des photos de leur repas sur leur téléphone. Nous pouvons donc leur demander de regarder leur téléphone pour voir si elles ont des photos de repas pendant la période qui nous intéresse. Nous pouvons même leur demander de nous communiquer les renseignements relatifs à leur carte de fidélité. Par exemple, dans de nombreuses épiceries, si vous êtes client, vous avez une carte et vous accumulez des points. Avec l'accord de la personne, nous pouvons obtenir le numéro de sa carte de fidélité, effectuer un suivi auprès de l'épicerie en question et obtenir un relevé détaillé de tous les achats qu'elle a effectués au cours d'une période très précise.

Greg : Wow.

Tanis : Par exemple, nous avons appris que vous avez mangé une salade, mais à présent nous voulons connaître tous les ingrédients de la salade, la vinaigrette utilisée, l'avez-vous préparée vous-même? Où l'avez-vous achetée? Nous recherchons également des renseignements sur la salubrité des aliments. C'est pourquoi nous travaillons en étroite collaboration avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments. En ce qui concerne le traçage de la source, les renseignements sur les fournisseurs nous sont très utiles. Parfois, nous voyons des gens rapporter… Tout le monde mentionne du yaourt, par exemple, mais il s'agit de marques différentes. Est-il possible que ces produits soient fabriqués au même endroit? L'Agence serait en mesure d'examiner cette possibilité, ce qui nous aiderait à écarter ou à confirmer la possibilité que certains produits soient des sources potentielles.

Émilie: Les partenaires dans le cadre de l'enquête sur la salubrité des aliments, comme l'Agence canadienne d'inspection des aliments, vont aller voir sur place. Y avait-t-il des choses qui auraient pu avoir été à l'origine des problèmes? Peut-on trouver le produit que les gens auraient essayé, auraient consommé? Peut-on analyser le produit en laboratoire?

Aussi, l'Agence canadienne d'inspection des aliments va communiquer et confirmer qu'on a visité telle usine, qu'on a vu telle chose. Voici nos observations. Voici les facteurs qui ont pu contribuer à ce que le produit soit comme ça ou inversement : nous n'avons pas d'informations particulières qui nous permettent d'affirmer une telle chose. Donc, la clé, c'est vraiment la communication et l'échange d'information.

Michelle : En fin de compte, Meghan, tu continues l'enquête à partir de l'information recueillie par les épidémiologistes, Tanis et Courtney?

Meghan: Eh bien je pense qu'on collabore très étroitement avec eux. En effet, lorsqu'il y a des cas de maladie, c'est eux qui sont en contact direct avec ces cas-là, avec les personnes malades. Alors pour que nous puissions faire nos enquêtes, nous avons besoin de leur collaboration. Vous savez, nous devons savoir quels sont les aliments qui ont été consommés. À quelle date les aliments ont-ils été consommés? Ces aliments provenaient de quel magasin? Qui a acheté les aliments? S'il y a une marque, un numéro de lot, des détails comme ça, nous devons le savoir. Pour que nous puissions faire notre enquête concernant la distribution, l'importateur, le fabricant, etc., nous avons vraiment besoin de ces renseignements. Et de tous ces détails-là au sujet des aliments. Alors, lorsqu'il y a une éclosion très active et de nombreux cas de maladies, je dirais que nous sommes en contact chaque jour ou même quelques fois par jour avec les épidémiologistes.

Émilie : Et si on regarde un peu comment les événements peuvent se produire de manière chronologique, la première étape, ce sera l'Agence de la santé publique du Canada qui déterminera s'il y a eu une éclosion, s'il y a suffisamment de cas similaires pour déclencher une enquête sur une éclosion d'origine alimentaire. À mesure que l'information sera recueillie par les différentes autorités de santé publique parallèlement, l'Agence canadienne d'inspection des aliments va faire tout le travail d'enquête sur les procédures, sur la salubrité des aliments, sur l'origine, c'est-à-dire d'où les aliments en question peuvent provenir. Une fois que toute cette information est recueillie et à mesure que d'autres renseignements s'y ajoutent, on en arrive à un point où on a suffisamment d'information pour déterminer l'aliment qui est clairement la cause de l'éclosion en question. L'Agence de la santé publique du Canada et l'Agence canadienne des inspections des aliments vont alors transmettre leur rapport d'information à Santé Canada. On nous demandera ensuite officiellement de faire une évaluation des risques propres à la situation. C'est là que nous, à Santé Canada, avons notre rôle à jouer, une fois l'évaluation terminée.

Donc, nous allons déterminer s'il y a un risque ou pas, puis nous allons déterminer la gravité du risque en question. Et si nous déterminons qu'il y a un risque, il existe trois catégories de risque. Il peut s'agir d'un risque pour la santé de niveau 1, qui est la catégorie de risque la plus élevée. Il y a un risque pour la santé de niveau 2, qui est un peu moins élevé. Finalement, il y a un risque pour la santé de niveau 3; dans un tel cas, on ne s'attend pas à ce qu'il y ait des conséquences à long terme.

Nous transmettons ensuite notre réponse avec notre recommandation à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui prendra les décisions nécessaires pour mettre en place des procédures de gestion de risques. Doit-on retirer le produit du marché? Que doit-on faire avec ces choses-là? Devrait-il y avoir un rappel?

Michelle : Est ce que les compagnies refusent parfois de rappeler leur produit?

Meghan : Non, depuis 1999, je dirais qu'il y a eu plus de 10 000 rappels. Il y a différentes catégories de rappels : la classe 1, la classe 2 et la classe 3. Il y a eu seulement 5 ou 7 des rappels obligatoires. D'habitude, au Canada, tous les rappels sont volontaires. Alors après avoir fait l'évaluation des risques, on se dit : « Bon ok, c'est un risque de niveau 1. » On va diffuser un avis aux consommateurs, on va demander le rappel, et on va présenter l'information à l'entreprise, qui elle va se conformer à la recommandation sans problème. Souvent, l'entreprise nous pose des questions simplement pour comprendre le processus ou pour comprendre la situation. Dans la plupart des cas, tout se déroule bien, mais on dispose tout de même d'un outil – le rappel obligatoire – même s'il est très rarement utilisé. Pour qu'il y ait un rappel obligatoire, le ministre de la Santé doit intervenir dans le dossier.

Meghan : Aussi, j'ajouterais que je trouve que les entreprises collaborent de plus en plus. Alors souvent ou plus fréquemment, l'entreprise va communiquer avec l'ACIA pour discuter d'une situation problématique. De notre côté, nous faisons notre propre enquête, nous réalisons les analyses en laboratoire, puis l'entreprise souhaite procéder au rappel de son produit. Alors vous savez, parfois tout se fait naturellement. De notre côté, nous voulons simplement consigner la mesure que prend l'entreprise et diffuser un avis public, avec la collaboration de l'entreprise.

Michelle : Si vous ne recevez pas encore les alertes de rappel d'aliments, je vous suggère de vous inscrire en utilisant notre lien dans la description. Vous serez au courant des aliments qui font l'objet d'un rappel pour toutes sortes de raisons, y compris les allergies et la salubrité alimentaire.

Greg : Tanis, vous avez parlé des tests en laboratoire. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

Tanis : L'une des principales méthodes que nous utilisons est appelée séquençage du génome entier. Il s'agit d'une méthode de laboratoire qui consiste essentiellement à établir l'empreinte génétique d'une bactérie. Ainsi, dans le cas d'une bactérie comme E. coli, les bactéries ont un ADN qui leur est propre, des empreintes digitales, des empreintes génétiques, tout comme les personnes ont des empreintes génétiques. Ces empreintes sont ensuite enregistrées dans une base de données nationale au Laboratoire national de microbiologie. Ainsi, les bactéries qui ont une source similaire ont plus de chances de provenir d'une source commune. C'est ainsi que nous découvrons de nouveaux groupes de maladies qui présentent le même profil génétique.

Michelle : Et est-ce que ça prend beaucoup de temps?

Courtney : C'est long (rires).

Tanis : Oui, ça peut prendre du temps. Une fois que l'échantillon a été prélevé, il faut parfois quelques jours pour procéder à l'analyse. Il faut passer par toute la chaîne entre le moment où la personne est soumise au test et le moment où nous l'apprenons, ce qui peut prendre de quatre à six semaines. Il s'agit donc d'un délai important. Il est probable que vous sachiez que vous avez contracté E. coli ou Salmonella dans un délai de deux semaines ou moins. Mais pour cela, les tests en laboratoire prennent un peu plus de temps.

Greg : Nous avons parlé des enquêtes réussies, mais y a-t-il des affaires non résolues, comme des enquêtes qui sont restées en suspens et que vous n'avez jamais pu résoudre?

Courtney : C'est sûr. Enfin, nous n'avons pas un taux de réussite de 100 %. Nous nous donnons à fond pour chaque éclosion. Notre devise est de ne négliger aucune piste. Mais, vous savez, nous ne réussissons pas toujours pour diverses raisons.

Meghan : Parfois, c'est difficile lorsqu'il s'agit d'un aliment dont la durée de vie est plus courte. Par exemple, dans le cas d'un fruit ou d'un légume frais, il s'écoule pas mal de temps avant que l'on soit informé des cas de maladie, que l'on dresse un historique de la situation, que l'on mène une enquête sur l'aliment, que l'on identifie le produit… Par exemple, une pomme a été consommée il y a six semaines : six semaines se sont écoulées, et on ne peut plus l'analyser et on ne peut plus l'envoyer au laboratoire, parce qu'il n'y en a plus sur le marché.

Tanis : Nous ne cesserons donc jamais d'enquêter si de nouveaux cas continuent d'être signalés et que nous n'avons pas trouvé la source. Nous continuerons toujours d'enquêter jusqu'à ce que le problème soit résolu ou que nous ayons trouvé la source.

Meghan : Et parfois, nous devons examiner tous les registres des entreprises que nous avons demandés. Vous savez, dans le cas de la laitue romaine, si c'est l'aliment soupçonné, nous faisons une demande concernant toute la laitue romaine qui a été importée durant un mois, par exemple, en juin. Et il peut y avoir des centaines d'importateurs, de fabricants, de distributeurs, et tout ça. Essayer de trouver les points communs entre chacun des cas pour voir s'il y a un lien possible, c'est vraiment tout un casse-tête.

Michelle : Je suis curieuse de savoir quelle est l'éclosion de maladie d'origine alimentaire la plus importante sur laquelle vous avez travaillé?

Tanis : J'ai travaillé sur un certain nombre de cas au fil des ans, mais l'un des cas les plus intéressants pour moi reste l'un des premiers sur lesquels j'ai travaillé. Il s'agissait d'une éclosion d'E. coli qui s'est avérée être associée à la farine, et la farine n'était pas vraiment une source connue à l'époque. Ce n'était donc pas quelque chose qui figurait déjà dans notre questionnaire. Et c'était la première fois que cela était découvert au Canada. Ce fut donc un véritable défi, car, comme vous pouvez l'imaginer, la farine n'est pas un aliment que les gens consomment. Si je vous demande ce que vous avez mangé au cours des 10 derniers jours, je pense que presque personne ne dira avoir mangé de la farine… parce que c'est un ingrédient. Les gens l'utilisent donc pour faire de la pâtisserie, mais aussi pour préparer des sauces, de la pâte à modeler, et même dans certains produits de beauté. Nous faisions donc ces entrevues et n'arrivions pas à trouver quoi que ce soit.

Un autre défi lié à la farine est que beaucoup de gens transfèrent la farine dans un autre contenant dans leur maison. Il n'y a donc pas de code de lot ou de date limite d'utilisation. Il n'y a pas d'emballage. Même si tu ne te souviens pas de la marque que tu as achetée, tu n'as plus ce sac.

Michelle : Les étiquettes sont très importantes!

Tanis : (rires) C'est important! Oui, c'est vrai. Finalement, nous avons réussi à résoudre l'affaire. La farine est désormais sur la liste de ce que nous demandons aux personnes pour toutes les enquêtes sur E. coli, mais cela a également permis de modifier les messages publics. Je pense qu'avant, les gens étaient légèrement conscients du fait que la pâte crue représentait un risque en raison de la présence potentielle d'œufs crus. Mais ce que cette enquête nous a appris, c'est que la farine crue présente également un risque. Il s'agit d'un produit agricole brut. Elle doit être cuite. C'est pourquoi l'industrie a commencé à apposer sur les emballages un avertissement indiquant qu'il ne faut pas consommer de farine ou de pâte crue. Je suis par contre consciente que le fait de dire qu'il ne faut pas manger de pâte crue est très … controversé.

Michelle : Oh oui. La pâte à biscuits crue!

Greg : (rire)

Tanis : Nous avons reçu beaucoup de commentaires sur les médias sociaux – beaucoup de gens ont dit qu'ils ne renonceraient jamais à cela. Et dans le fond, c'est votre choix. Notre travail à nous consiste donc à veiller à ce que les canadiens ont des bons renseignements disponibles pour prendre une décision éclairée au sujet de leur propre santé.

Michelle : Et dans cet exemple particulier, combien de temps a-t-il fallu pour trouver que la source était la farine?

Tanis : Oui. Je me souviens très bien que nous avons repéré ce groupe de cas durant la période de Noël 2016, puisque presque tout le monde était en congé. Et je me souviens d'avoir dit : « Oh, je pense que nous avons une éclosion ». À partir de là, il nous a fallu environ 2 mois, 2 mois et demi avant de pouvoir confirmer la source de cette éclosion. Cette fois-ci, c'était donc plus long.

Greg : Courtney, quel était ton exemple?

Courtney : Je pense que l'éclosion la plus remarquable, parmi toutes celles sur lesquelles j'ai travaillé, est une éclosion attribuable à E. coli dans du kimchi. Cette éclosion était plus ou moins l'exact opposé de l'éclosion de farine décrite par Tanis, car nous l'avons résolue en moins de 48 heures. Le kimchi est donc, comme vous pouvez l'imaginer, un produit d'exposition plus rare. La majorité de la population ne mange pas de kimchi sur une base régulière.

Michelle : J'adore le kimchi!

Courtney : Oh, vraiment? D'accord, tu fais donc partie de ceux qui en mangent peut-être régulièrement. Mais lorsque quelques personnes ont déclaré avoir mangé du kimchi dans les 10 jours précédant le début de la maladie, nous avons su très vite que nous étions sur la bonne piste, et les choses se sont enchaînées très, très rapidement à partir de ce moment-là.

Nous avons donc travaillé en étroite collaboration avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, et un produit kimchi très précis a été rappelé au cours de la même semaine que celle où nous avons constaté la présence de l'éclosion; il a été retiré du marché et personne d'autre n'a été malade, ce qui a été très gratifiant dans cette éclosion en particulier, car il s'agissait d'une souche précise d'E. coli, réputée être très dangereuse. C'était aussi très intéressant parce que je pense que beaucoup de gens, y compris nous-mêmes pendant cette éclosion, pensaient qu'un aliment acide comme le kimchi ne serait pas propice à la croissance des bactéries.

Mais nous avons appris que ce n'était pas toujours le cas. Et c'est certainement l'une des principales leçons que nous avons tirées de notre travail sur les éclosions depuis plusieurs années, à savoir qu'il ne faut rien présumer. Nous avons toujours des occasions d'apprentissage, constamment, au fur et à mesure que nous travaillons.

Michelle : Est-ce qu'il y a d'autres leçons que vous tiré de vos enquêtes?

Tanis : Chaque fois que nous menons une enquête, nous nous interrogeons sur les enseignements que nous en avons tirés. Y a-t-il quelque chose de nouveau que nous devrions faire connaître aux Canadiens? En 2021, nous avons enquêté sur une éclosion de salmonelle qui s'est avérée liée à du maïs congelé. Il s'agissait de la première enquête portant sur des salmonelles liées à des légumes congelés. Avant cela, le risque n'était donc pas vraiment considéré comme élevé. Nous avons donc mis à jour les messages à ce sujet sur le site Web Canada.ca afin que les gens sachent que les légumes congelés doivent être cuits conformément aux instructions figurant sur l'emballage. Il ne s'agit pas d'un produit prêt-à-consommer.

Émilie : Parfois, ça prend du temps, parfois il faut retourner et poser des questions. On se dit « d'accord, cet élément-là est intéressant, mais est ce qu'on peut approfondir davantage? » Et l'un des plus gros défis, c'est toujours de parvenir à trouver l'équilibre entre l'importance d'agir rapidement pour prévenir d'autres cas et l'importance d'avoir la bonne information afin d'avoir la certitude que le produit en question pose effectivement un risque. D'être capable d'affirmer que c'est bien ce produit qui est à l'origine des cas de maladie qui sont observés et qui se multiplient.

Donc, la clé, c'est vraiment la communication et l'échange d'information. Selon le niveau de risque, nous avons entre 8 et 48 heures pour fournir une réponse. Évidemment, lorsqu'il s'agit d'une éclosion de maladie d'origine alimentaire, nous savons déjà que des gens sont malades et nous voulons empêcher qu'il y ait de nouveaux cas. Nous voulons donc vraiment agir le plus rapidement possible.

Greg : Un gros merci à Meghan, Émilie, Tanis et Courtney pour leur participation à cet épisode et pour leur travail au sein de la santé publique.

Michelle : Les enquêtes sur les éclosions d'origine alimentaire sont le fruit d'un travail d'équipe dans tout le Canada. Les services locaux, provinciaux, territoriaux et fédéraux de santé publique coopèrent afin de déceler la cause du problème et de rappeler tous les produits concernés.

Si vous ne recevez pas encore les rappels d'aliments et les alertes, vous devriez vous inscrire – nous avons inséré le lien dans la description ou dans la section « Pour en savoir plus » de notre page Web.

Greg : C'était « Inspecter et protéger », le balado officiel de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Merci de nous avoir écoutés!

[End of recording]

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