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La biologie du Triticum aestivum L. (blé)

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Document de biologie BIO1999-01 : Cahier parallèle aux Critères d'évaluation du risque environnemental associé aux végétaux à caractères nouveaux

Table des matières

Partie A - Généralités

Partie B - Biologie du T. aestivum

Partie C - Espèces voisines du T. aestivum

Partie D - Interactions possibles entre le T. aestivum et d'autres organismes

Partie E - Remerciements

Partie F - Bibliographie

Partie A - Généralités

A1. Contexte

L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) réglemente les essais au champ de végétaux à caractères nouveaux (VCN) utilisés en agriculture et en horticulture au Canada. Un VCN est une variété ou un génotype de végétal possédant des caractères qui ne sont pas familiers, ni essentiellement équivalents à ceux présents dans les populations distinctes et stables d'une espèce cultivée, et qui ont été volontairement sélectionnés, créés ou introduits dans une population de cette espèce dans le cadre d'une modification particulière du génome. La « familiarité » d'une espèce végétale équivaut à la connaissance de ses caractères et à l'expérience de son utilisation au Canada. L'« équivalence essentielle » est l'équivalence d'un caractère nouveau d'une espèce végétale donnée, quant à son utilisation, à sa sûreté et à son effet sur l'environnement et la santé humaine, par rapport aux caractères de cette même espèce déjà utilisés et généralement jugés sûrs au Canada, selon un raisonnement scientifique rigoureux.

Un VCN peut être issu d'une méthode de sélection classique ou d'autres méthodes telle la technologie de l'ADN recombinant. Il doit être soumis à des essais au champ réglementés si : (1) le VCN est peu familier par rapport aux produits déjà sur le marché; (2) le ou les caractères nouveaux sont essentiellement différents des caractères correspondants présents chez des types végétaux semblables familiers, déjà utilisés et considérés comme sûrs.

Avant que la dissémination en milieu ouvert d'un VCN soit autorisée, une évaluation du risque environnemental doit être effectuée. La directive 94-08 (Dir94-08), Critères d'évaluation du risque environnemental associé aux végétaux à caractères nouveaux, décrit les critères et les renseignements sur lesquels doit être fondée cette évaluation, pour que la sécurité de l'environnement soit garantie même si la dissémination se fait en milieu ouvert.

A2. Portée

Le présent document est un cahier parallèle à la Dir94-08 et fournit des renseignements de base sur la biologie du Triticum aestivum L., sur ses centres d'origine, sur les espèces voisines et sur le risque d'introgression génétique du T. aestivum vers ces espèces. Il présente enfin des précisions sur les organismes avec lesquels le T. aestivum peut avoir des interactions.

Le présent cahier, portant sur une seule espèce, servira de guide pour l'obtention de certains renseignements exigés dans la partie D de la Dir94-08. Il permettra notamment de déterminer si les nouveaux produits géniques du VCN induisent chez celui-ci des interactions différentes ou modifiées avec d'autres espèces. Ces interactions pourraient faire du VCN une mauvaise herbe agricole, ou une plante envahissant les milieux naturels ou nuisant de quelque autre façon à l'environnement.

Les conclusions tirées dans le présent document au sujet de la biologie du T. aestivum ne visent que les végétaux non modifiés appartenant à cette espèce.

Partie B - Biologie du T. aestivum

B1. Description générale, culture et utilisation

Le genre Triticum appartient à la famille des Graminées, ou Poacées. Parmi toutes les espèces de blé cultivées, le T. aestivum, ou blé commun, est la plus importante sur le plan économique.

Selon Lersten (1987), le T. aestivum est une graminée annuelle ou annuelle hivernale, de hauteur moyenne. Les feuilles ont un limbe plane, et l'inflorescence est un épi terminal, à fleurs parfaites. L'état végétatif de la plante se caractérise par la présence d'un plateau de tallage, dont les bourgeons axillaires se transforment en tiges feuillées. Les tiges, appelées chaumes, possèdent cinq à sept nœuds ainsi que trois ou quatre feuilles véritables. La feuille la plus haute, ou dernière feuille, sous-tend l'inflorescence. Chaque chaume produit un épi composé, dont les ramifications sont les épillets. Les épillets sont portés par le rachis, ou axe principal de l'épi, et séparés par de courts entre-nœuds. Chaque épillet est un axe reproducteur condensé, sous-tendu par deux bractées stériles appelées glumes. Les glumes enveloppent les deux à cinq fleurs, portées chacune par un court pédicelle appelé rachéole. La fleur possède trois étamines se terminant chacune par une grande anthère; le pistil comprend un seul ovaire, un seul ovule et deux styles se terminant chacun par un stigmate plumeux et ramifié.

Le T. aestivum est hexaploïde (AABBDD), possédant en tout 42 chromosomes (2n = 42, soit six fois sept chromosomes). Le nombre haploïde de base est sept, puisque le nombre chromosomique des autres espèces de blé est également un multiple de ce nombre. Les cultivars de blé modernes sont soit tétraploïdes (blé dur, AABB), soit hexaploïdes (blé commun et blé club, AABBDD).

Le blé tire probablement son origine d'une forme sauvage de l'espèce diploïde appelée engrain (T. monococcum sensu lato), dans une région délimitée par l'Iran, l'Iraq, la Syrie et la Türkiye (Feldman, 1976). La première espèce tétraploïde, le T. turgidum, est le résultat d'une hybridation avec amphidiploïdisation, entre le T. monococcum et le T. searsii; la première espèce a fourni le génome A, et la seconde, le génome B. La domestication de ce blé tétraploïde (AABB) a donné l'amidonnier, qui est à l'origine des cultivars modernes de blé dur. Les cultivars hexaploïdes sont issus d'une hybridation avec amphidiploïdisation, entre le T. turgidum, tétraploïde, et le T. tauschii, diploïde (DD). La nouvelle espèce résultant de ce processus, appelée T. aestivum, dispose donc d'une garniture génétique AABBDD.

La culture du blé a débuté avec la domestication de l'engrain et de l'amidonnier sauvages (Cook et Veseth, 1991). Les premiers efforts d'amélioration portant sur ces espèces ont probablement donné des blés dont l'épi ne s'égrenait pas sur pied, ce qui facilitait la récolte. De plus, les premiers agriculteurs ont dû privilégier les sujets à grains nus, plus faciles à battre. Du point de vue de l'adaptation, les blés hexaploïdes convenaient à la culture en climat frais, grâce aux caractères de rusticité fournis par le génome D. On a aussi adapté la plante à divers milieux de culture, en sélectionnant les sujets selon leur comportement de floraison. Ainsi, le blé de printemps est semé dans les régions à hiver rigoureux et arrive à fleurir la même année en produisant au bout d'environ 90 jours. Le blé d'hiver pour sa part, doit être exposé au froid (c'est-à-dire « vernalisation ») pour pouvoir ensuite produire. Il est semé en automne et récolte le printemps suivant. D'autres variétés ont été créées pour les climats secs, par l'introduction de caractères produisant des plantes de petite taille, qui exigent moins d'eau et donnent quand même un bon rendement. Enfin, dans le cas des cultivars modernes, on a recherché une résistance à diverses maladies (rouilles, charbons, etc.), un accroissement du rendement grainier, ou une amélioration de la qualité du grain (protéines et amidon).

Le blé est une céréale importante en termes d'exportation et de consommation intérieure dans de nombreux pays du monde. En 1995, plus de 40 millions d'hectares ont été consacrés à la culture du blé en Amérique du Nord, dont un peu moins du tiers (11,4 millions d'hectares) au Canada. Ce grain est principalement destiné à la minoterie. La farine, selon le type de blé, sert à la fabrication de divers produits. Celle du blé roux vitreux est utilisée en boulangerie, tandis que celle du blé roux tendre est utilisée en pâtisserie et en biscuiterie (gâteaux, craquelins, biscuits, muffins et pâtisseries diverses). La farine du blé blanc (tendre ou vitreux) sert à la fabrication des nouilles orientales; celle de blé blanc vitreux est également utilisée pour faire les tortillas, tandis que celle de blé blanc tendre a de nombreux usages, dont la fabrication de gâteaux, craquelins, biscuits, muffins et pâtisseries diverses. Le blé dur sert principalement à la fabrication de semoule, matière première des pâtes alimentaires. On distingue donc quatre grandes catégories de blé commun : le blé roux vitreux d'hiver, le blé roux vitreux de printemps, le blé tendre roux et le blé blanc. Le blé dur constitue une cinquième catégorie commerciale. De plus il existe d'autres catégories telles que celles des blés utilitaires et des blés de force supplémentaire.

Les méthodes commerciales d'ensemencement et de récolte varient selon le type de blé. Dans le cas du blé d'hiver, comme la vernalisation est nécessaire, les semis doivent avoir lieu en septembre ou en octobre, afin que les plants puissent lever et se développer suffisamment avant le début de l'hiver. Durant la saison froide, les plants restent à l'état dormant. Avec les premières chaleurs du printemps, ils reprennent leur croissance et passent à un stade reproductif, l'épiaison. Dans la plupart des régions d'Amérique du Nord, la récolte peut commencer vers la mi-juillet. Dans le cas du blé de printemps, les plants ne requièrent aucun stade de dormance, et environ 90 jours s'écoulent du semis à la récolte. En Amérique du Nord, ce type de blé est généralement semé en avril ou en mai et récolté en août ou en septembre.

Le T. aestivum est une céréale de climat tempéré. La température minimale de germination des graines se situe entre 3 et 4°C. La floraison débute lorsque la température dépasse 14°C. En Amérique du Nord, le blé peut être cultivé jusqu'à environ 50° de latitude. Au Canada, les principales régions productrices se trouvent dans les provinces des Prairies (Manitoba, Saskatchewan et Alberta), mais il en existe aussi dans les provinces de l'est. La plus grande partie du blé cultivé dans les Prairies est du blé de printemps, tandis que les provinces de l'est produisent plutôt du blé d'hiver. Le blé est le grain le plus consommé par les humain, mais une quantité appréciable de blé utilitaire de haut rendement et de blé roux vitreux d'hiver sert à l'alimentation du bétail.

B2. Aperçu des méthodes d'amélioration et de culture du blé

Les programmes modernes d'amélioration du blé portent avant tout sur les propriétés culturales de la plante et sur la qualité du grain. Les propriétés culturales comprennent la rusticité hivernale, la tolérance à la sécheresse, la résistance aux maladies et aux insectes, la résistance à la verse et à l'égrenage, la hauteur des plants, le rendement grainier et l'aptitude à la récolte, tandis que la qualité du grain comprend des caractères tels que la forme, la couleur, le poids spécifique, la concentration et la nature des protéines, la concentration et la nature des amidons et la performance de la farine (Knott, 1987).

La plupart des variétés de blé cultivées en Amérique du Nord sont des lignées pures, obtenues par autofécondation. La mise au point d'une nouvelle variété commence par la production d'un hybride F1. Les sélectionneurs effectuent donc chaque année de nombreux croisements, cherchant ainsi à transférer certains caractères entre lignées généalogiques et entre cultivars. La génération F2, obtenue par autofécondation de la F1, affiche un vaste éventail de variations génétiques à partir des génotypes parentaux. La sélection de sujets intéressants débute dès la génération F2 et se poursuit pendant au moins deux autres générations, jusqu'à ce que les sujets produisent une descendance génétiquement uniforme. À ce stade, survenant généralement à la F6, la sélection peut débuter pour les caractères complexes tels que le rendement et la qualité du grain. De plus, une fois que la lignée est suffisamment uniforme, on recueille des données de performance dans de petites parcelles d'essai, en vue de choisir les lignées qui justifient une sélection plus poussée. Fait à noter, l'amélioration est un processus plus rapide dans le cas du blé de printemps que dans celui du blé d'hiver. En effet, comme le blé de printemps n'a pas besoin d'être vernalisation, le sélectionneur peut obtenir deux à trois générations par année soit en travaillant en serre ou dans les champs en tirant parti d'une région australe, par exemple, la Californie ou l'Arizona, ou d'une région, telle la Nouvelle-Zélande, où la saison de production alterne avec la nôtre.

À partir des données de performance obtenues en petites parcelles, les lignées sont sélectionnées en vue des essais de pré-enregistrement, qui doivent être effectués dans 10 à 20 localités, sur trois années. Les résultats de ces essais permettent de déterminer si la lignée mérite d'être enregistrée à titre de cultivar nouveau. Selon ces résultats, certains groupes administratifs, comme le Comité de recommandation des inscriptions au catalogue du grain des Prairies, décident d'appuyer ou non la demande d'enregistrement. Une fois l'enregistrement approuvé, la semence du sélectionneur est distribuée aux producteurs de semence qui se chargent de la multiplier et d'obtenir ainsi la semence de fondation. C'est à partir de cette dernière que sont produites commercialement les semences enregistrées et certifiées (Anonyme, 1994). En pareil cas, les producteurs de semences ont recours à des systèmes d'androstérilité et de rétablissement de la fertilité, ou à des gaméticides chimiques, pour produire commercialement des semences F1. Plusieurs blés d'hiver hybrides ont été commercialisés aux États-Unis et s'y cultivent sur une superficie limitée. Aucun blé de printemps hybride n'est encore disponible sur le marché.

Dans les systèmes agricoles courants, le T. aestivum est généralement semé en rotation avec d'autres cultures, afin de prévenir l'accumulation de pathogènes, d'insectes et de mauvaises herbes. Dans l'Ouest canadien, plusieurs cultures peuvent être employées à cette fin, dont l'orge, le canola et le lin, en fonction du type de sol, des pratiques culturales, etc.

B3. Biologie de la reproduction du T. aestivum

Le T. aestivum ne se reproduit que dans un contexte agricole, puisque les graines de cette espèce doivent être récoltées et ressemées par l'être humain. Le blé est une espèce surtout autogame. En général, le taux l'allogamie peut atteindre 10 % ou même davantage chez les espèces autogames et varie selon les populations, les génotypes et les conditions écologiques (Jain, 1975). Par exemple, des populations de graminées dont le taux normal d'allogamie était inférieur à 1 % ont affiché certaines années un taux allant jusqu'à 6,7 % (Adams et Allard, 1982). Hucl (1996) a constaté que le taux d'allogamie de dix cultivars canadiens de blé de printemps variait selon le génotype mais était toujours inférieur à 9 %. L'allogamie tend à être le plus fréquente chez les cultivars dont le pollen réagit peu aux colorants, dont l'épi est effilé aux extrémités et dont les épillets sont le plus ouverts au moment de l'anthèse. Martin (1990) a observé une taux d'allogamie de 0,1 à 5,6 % chez des cultivars de blé d'hiver et en a conclu que le port semi-nain de ces cultivars n'avait pas d'incidence sur leur taux d'allogamie.

Dans le cadre de programmes d'amélioration du blé, l'isolement des plants de blé sélectionnés lors de la multiplication des semences peut se faire au moyen de sacs de papier sulfurisé ou de cellophane ou des tubes de dialyse. Une distance de trois mètres constitue un isolement suffisant pour prévenir l'allogamie pour la production des semences de fondation au Canada (Anonyme, 1964).

DeVries (1971) a constaté que les fleurs du blé demeurent ouvertes pendant 8 à 60 minutes, selon le génotype et les conditions écologiques. Au moment de la déhiscence des anthères, 5 à 7 % du pollen tombe sur le stigmate, 9 à 12 % reste dans l'anthère, et le reste est dispersé. Le pollen demeure ensuite viable pendant 15 à 30 minutes. Une fois libérés, les grains de pollen se dessèchent, et leur fixation aux ramifications du stigmate est assurée par une brève force électrostatique suivie de l'absorption d'eau par les grains de pollen à travers des ouvertures de la cuticule du stigmate (Heslop-Harrison, 1979). Ce processus permet en outre au tube pollinique de s'allonger, ce qui facilite la fécondation. Chez le blé, la période de réceptivité du stigmate dépend de la variété et des conditions écologiques mais se situe généralement entre 6 et 13 jours. La croissance du tube pollinique débute généralement une ou deux heures après la pollinisation, puis la fécondation survient 30 à 40 heures plus tard (deVries, 1971). Cependant, les graines de pollen peuvent germer peu de temps après leur contact avec la surface du stigmate et le blé peut être fécondé dans moins d'une heure (communication personnelle, George Fedak, 1999). Le premier épillet à fleurir se situe généralement dans le tiers médian de l'épi, habituellement près de la limite supérieure de ce tiers. La floraison progresse assez rapidement vers le sommet de l'épi et un peu plus lentement vers sa base. Les fleurs primaires de l'épillet s'ouvrent les premières, puis les secondaires, et ainsi de suite. Chez le blé, les étamines sont plus petites et produisent moins de pollen (1000 à 3800 grains de pollen par anthère, soit 450 000 par plant) que chez les autres graminées céréalières. Selon deVries (1971), ce nombre est de 4 millions chez le seigle (Secale cereale L.) et de 18 millions chez le maïs (Zea mays L.).

B4. Centres d'origine de l'espèce

L'origine du blé est difficile à préciser à cause de la diversité des opinions taxonomiques. Cependant, Feldman (1976) et la plupart des chercheurs estiment que les cultivars de blé modernes sont issus de l'engrain (T. monococcum ssp. urartu) et de l'amidonnier (T. turgidum). L'engrain sauvage est apparu dans le sud-est de la Türkiye, où il croît encore aujourd'hui. L'amidonnier sauvage a une répartition semblable, qui s'étend cependant aux régions méditerranéennes du Proche-Orient. Les deux espèces poussent d'ailleurs souvent ensemble. Les divers cultivars du blé dur sont issus de l'amidonnier cultivé, tandis que le blé commun, hexaploïde, est issu d'une hybridation entre l'amidonnier et une espèce diploïde, le T. tauschii, qui a fourni au blé commun son génome D. On croit que le T. tauschii est originaire du nord de la Mésopotamie, ce qui expliquerait les gènes de rusticité associés au génome D.

B5. Le blé cultivé, comme mauvaise herbe spontanée

La domestication du blé moderne a amené l'apparition de caractères qui étaient utiles aux premiers agriculteurs tout en empêchant les nouvelles races de blé de survivre à l'état sauvage. En effet, ces agriculteurs ont privilégié les sujets dont l'épi ne s'égrenait pas sur pied, ce qui facilitait la récolte. Ils pouvaient ainsi récolter les épis chargés de grains, plutôt que de ramasser les grains au sol. Par contre, ce caractère défavorise les plantes sur le plan de la compétition avec les autres espèces, qui sont capables de disséminer leurs graines plus efficacement. De même, les blés à grain nu étaient plus faciles à battre que ceux à grains vêtus, mais ces graines étaient plus sensibles aux conditions écologiques extrêmes.

Malgré ces désavantages écologiques, les cultivars de blé modernes sont parfois observés dans des champs non cultivés ou au bord de chemins. Ces plants, généralement issus de graines échappées pendant leur récolte ou leur transport, ne persistent pas et sont habituellement éliminés par le fauchage, par le travail du sol ou par l'application d'herbicides. De même, des plants spontanés de blé peuvent apparaître dans les cultures faisant suite à une culture de blé. Ces plants sont généralement éliminés par le travail du sol ou par l'application d'herbicides.

Le génie génétique permet aujourd'hui d'augmenter constamment le rendement du blé et la qualité du grain tout en diminuant la capacité du blé à survivre à l'état sauvage. D'ailleurs, le blé est cultivé depuis des siècles et on n'a relevé aucun cas où cette plante serait devenue envahissante au point d'être nuisible.

Partie C - Espèces voisines du T. aestivum

C1. Hybridation interspécifique et intergénérique

En examinant l'impact environnemental que pourrait avoir la dissémination en milieu ouvert du T. aestivum génétiquement modifié, il est important de comprendre le risque d'hybridation interspécifique ou même intergénérique entre cette espèce et les espèces voisines. La production d'hybrides peut entraîner l'introgression de caractères nouveaux chez ces espèces et ainsi avoir les répercussions suivantes :

Comme le blé est une plante essentiellement autogame, son hybridation naturelle avec des espèces ou des genres apparentés a rarement été observée. L'hybridation entre les espèces du genre Triticum a fait l'objet d'un article de synthèse par Kimber et Sears (1987). Il s'avère que l'hybridation entre le blé cultivé et les espèces voisines est possible mais il n'existe aucune espèce sauvage de Triticum en Amérique du Nord.

De nombreux croisements de type classique ont été réalisés avec succès à l'intérieur du groupe d'espèces ayant une constitution génétique apparentée à celle du T. aestivum. Ainsi, l'hybridation est possible entre tous les taxons hexaploïdes (T. aestivum ssp. vulgare, T. compactum, T. sphaerococcum, T. vavilovii, T. macha et T. spelta, dont les génomes sont essentiellement identiques (Körber-Grohne, 1988)). Chez le T. aestivum, la stabilité du génome hexaploïde est attribuable à des gènes, notamment celui du locus Ph1, qui empêchent l'appariement des chromosomes homologues. Par conséquent, la neutralisation du locus Ph1 est un outil important pour les sélectionneurs qui effectuent des croisements interspécifiques et intergénériques. La neutralisation peut être accomplie en utilisant des mutants tels que Ph3a et Ph3b.

Un cas bien connu d'hybridation intergénérique est le triticale (Lukaszewski et Gustafson, 1987), plante issue d'un croisement avec amphidiploïdisation entre le blé et le seigle (Secale cereale L.). On ne signale cependant aucun cas où le triticale aurait servi de pont pour l'hybridation avec des graminées sauvages.

De plus, le blé a fait l'objet de travaux importants en matière de croisements éloignés (Sharma et Gill, 1983), mais la plupart de ces travaux sont sans conséquence pour les milieux naturels au Canada, puisque peu de ces espèces sont indigènes et que l'obtention d'une descendance fertile exige souvent des techniques comme la récupération d'embryons, la pollinisation manuelle et l'androstérilité.

C2. Risque d'introgression génétique depuis le T. aestivum vers les espèces voisines

Parmi les genres de graminées qui renferment des espèces poussant en Amérique du Nord, le plus étroitement apparenté au blé est le genre Aegilops. L'Ae. cylindrica ne pousse qu'aux États-Unis où sa répartition atteint le Washington, le Montana et l'Idaho. Cependant, l'Ae. cylindrica ne constitue une mauvaise herbe que dans les cultures de blé d'hiver, Zemetra et al. (1996) ont passé en revue la question de l'hybridation de cette espèce avec le blé cultivé et ont conclu que cette hybridation risque peu de produire une nouvelle espèce de mauvaise herbe, en raison du taux élevé de stérilité chez les hybrides. Les sujets fertiles issus d'un tel croisement sont de plus phénotypiquement très semblables au blé, en raison de pertes chromosomiques importantes survenant dans le génome C de l'Ae. cylindrica. Il existe d'autres espèces du genre Aegilops reconnues comme étant des mauvaises herbes en Californie tel l' Ae. crassa, l'Ae. geniculata, l'Ae. ovata et l' Ae. triuncialis. Aucun cas d'hybridation entre le blé et ces espèces n'est rapporté.

Au Canada, la mauvaise herbe apparentée au blé la plus commune est le chiendent (Agropyron repens) présent dans les dix provinces et les deux territoires (Crompton et al., 1988). Cette graminée vivace est commune dans les régions agricoles, particulièrement dans les prairies, les champs cultivés, les jardins, les bords de chemin et les lieux incultes (Frankton et Mulligan, 1974; Alex et Switzer, 1992). De rares cas d'hybridation entre le blé et le chiendent sont rapportés dans la revue des croisements publiée par Knobloch (1968), cependant ces mentions ne sont pas récentes et discutables.

On sait que le blé peut s'hybrider avec d'autres espèces du genre Agropyron (Mujeeb-Kazi, 1995). Des hybrides entre le T. aestivum et l'A. intermedium ont été observés en Russie, où on a même réussi à obtenir des sujets fertiles (Tsvelev, 1984). Smith (1942) a également réussi à obtenir de tels hybrides fertiles, à plusieurs reprises, par pollinisation manuelle. Ces hybrides présentent un intérêt au Canada, puisque l'A. intermedium est utilisé pour l'amélioration des grands pâturages de l'Ouest canadien, où l'espèce pousse également à l'état adventice.

Par ailleurs, des hybrides complexes ont été obtenus entre le blé et plusieurs autres espèces d'Agropyron, dont l'A. curvifolium, l'A. distichum et l'A. junceum. Il s'agissait dans tous les cas d'allofécondations dirigées, réalisées en serre. Aucun hybride naturel n'a jamais été signalé (Knott, 1960). En plus des croisements susmentionnés avec l'A. intermedium, Smith (1942) a effectué des pollinisations artificielles entre le blé et de nombreuses espèces de graminées et a réussi à obtenir des hybrides fertiles dans le cas de l'A. cristatum, de l'A. elongatum et de l'A. trichophorum.

De plus, des hybrides ont été obtenus entre le blé et certaines espèces voisines natives d'Amérique du Nord ayant des caractères semblables au mauvaises herbes tel l' A. bakeri (y compris A. trachycaulum, Agropyre à Baker), l'Hordeum californicum, l'H. jubatum (herbe à queue d'écureuil), l'Elymus angustus (y compris Leymus angustus, Élyme d'Altaï), l'E. canadensis (Élyme du Canada) et l'E. virginicus (Élyme du Virginie). Cependant, ces résultats ont été obtenus avec l'utilisation de méthode artificielle et il n'y a aucun cas d'hybride naturel rapporté (communication personnelle, George Fedak, 1999).

La possibilité de flux génétique interspécifique ou intergénérique au champ entre le blé et d'autres espèces de la tribu des Triticées est improbable in Canada. Cependant, le fait qu'un grand nombre de cas d'hybridation aient été signalés doit être pris en considération lorsqu'on évalue le risque d'introgression de caractères « nouveaux » depuis le blé transgénique vers les plantes sauvages apparentées.

C3. Présence au Canada d'espèces apparentées au T. aestivum

Il n'y a aucune espèce sauvage de Triticum au Canada (Feldman, 1976). Parmi les genres étroitement apparentés, seul le genre Agropyron compte une espèce indigène répandue au Canada, l'A. repens. Bien que de l'hybridation entre le blé et le chiendent ait été rapportée dans la revue des croisements publiée par Knobloch (1968), de tels hybrides se sont avérés très difficile à obtenir par pollinisation manuelle.

L'Ae. cylindrica est apparenté au blé et pousse comme mauvaise herbe dans les cultures de blé d'hiver des États-Unis, mais l'espèce n'est pas signalée au Canada. Cependant, comme certaines populations de cette mauvaise herbe sont situées à proximité de la frontière canadienne dans le Washington et l'Idaho, l'espèce figure dans la liste officielle des mauvaises herbes nuisibles de la Colombie-Britannique, aux termes de la loi du contrôle des mauvaises herbes (Weed Control Act) de cette province. L'espèce n'est pas mentionnée dans la publication de Frankton et Mulligan (1974), sur les mauvaises herbes du Canada, ni dans celle d'Alex et Switzer (1992), sur les mauvaises herbes de l'Ontario.

Les espèces qui suivent sont apparentées au blé et font partie de la tribu des Triticées; Knobloch (1968) mentionne qu'elles peuvent s'hybrider avec le blé. Elles sont présentes au Canada à titre de plantes naturalisées ou cultivées et servent à la production de fourrage spécialisé ou à la stabilisation des sols. Ces graminées sont adaptées aux conditions canadiennes, et on sait qu'elles peuvent coloniser les milieux perturbés tels que les champs incultes et le bord des chemins. Il est cependant fort improbable que des hybrides entre le blé et ces espèces voisines soient produits en milieu naturel.

C4. Aperçu de l'écologie des espèces apparentées au T. aestivum

L'Ae. cylindrica et l'A. repens sont des mauvaises herbes apparentées au T. aestivum. Les deux sont indigènes de l'Amérique du Nord, mais seul l'A. repens est indigène du Canada.

L'Ae. cylindrica constitue une mauvaise herbe nuisible des cultures de blé d'hiver aux États-Unis, mais il n'est pas considéré comme un problème pour le blé de printemps, principal type cultivé au Canada (Briggle et Curtis, 1987). L'Ae. cylindrica a été inclus dans la liste officielle des mauvaises herbes nuisibles de la Colombie-Britannique afin de prévenir son introduction au Canada.

L'A. repens est une « mauvaise herbe principale » aux termes de l'Arrêté sur les graines de mauvaises herbes de 1986 et constitue une graminée nuisible dans toutes les régions agricoles du Canada. La plante est relativement facile à détruire au moyen d'herbicides sélectifs, dans les cultures autres que le blé. Il est possible d'obtenir des hybrides entre le blé et diverses espèces du genre Agropyron, mais on n'a signalé aucun cas où une telle hybridation serait survenue naturellement ou aurait produit des espèces dérivées (Knott, 1960).

Partie D - Interactions possibles entre le T. aestivum et d'autres organismes

Les renseignements du tableau 1 visent à aider le demandeur à déterminer les impacts possibles de la dissémination du VCN sur les organismes non visés mais ne devraient pas être considérés comme étant exhaustifs. En cas d'impact important du VCN sur tout organisme visé ou non visé, il peut être nécessaire d'évaluer les effets secondaires de cet impact.

Tableau 1. Exemples d'interactions possibles du T. aestivum avec d'autres organismes durant son cycle vital, en milieu naturel.

Autre organisme Type d'interaction avec T. aestivum
(Pathogène; Symbiote ou organisme utile; Consomateur; Transfert de gène)
Pseudomonas syringae pv. atrofaciens
Bactériose des glumes
Pathogène
Xanthamonas campestris pv. translucens
Glume noire
Pathogène
Erwinia rhapontici
Semence rose
Pathogène
Corynebacterium tritici
Brûlure bactérienne de l'épi
Pathogène
Colletotrichum graminicola
Anthracnose
Pathogène
Ascochyta tritici (incluant A. sorghi)
Tache ascochytique
Pathogène
Cephalosporium gramineum
Strie céphalosporine
Pathogène
Tilletia caries
Carie commune
Pathogène
Bipolaris sorokinia (incluant Helminthosporium sativum)
Pourriture sèche
Pathogène
Scleropthora macrospora
Mildiou
Pathogène
Tilletia controversa
Carie naine
Pathogène
Claviceps purpurea
Ergot
Pathogène
Pseudocerosporella herpotrichoides
Piétin-verse
Pathogène
Puccinia spp.
Rouille
Pathogène
Monographella nivalis (includes Calonectria nivalis)
Moisissure nivéale rose
Pathogène
Leptosphaeria herpotrichoides
Tache auréolée
Pathogène
Sclerotinia borealis
Moisissure nivéale
Pathogène
Erysiphe graminis
Oïdium
Pathogène
Septoria spp.
Tache septorienne
Pathogène
Typhula spp.
Moisissure nivéale tachetée
Pathogène
Gaeumannomyces graminis
Piétin-échaudage
Pathogène
Pyrenophora trichostoma
Tache auréolée
Pathogène
Heterodera avenae
Kyste des racines
Consommateur
Subanguina radicicola
Tumeur des racines
Consommateur
Meloidogyne spp.
Nodosité
Consommateur
Paratrichodorus spp.
Racine tronquée
Consommateur
Pratylenchus spp.
Nécrose des racines
Consommateur
Mayetiola destructor
Mouche de Hesse
Consommateur
Cécidomyie Consommateur
Diuraphis noxia
Puceron russe du blé
Consommateur
Insectes utiles Symbiote ou organisme utile
Microbes du sol Symbiote ou organisme utile
Vers de terre Symbiote ou organisme utile
Insectes du sol Symbiote ou organisme utile
Autres T. aestivum Transfer de gènes

Partie E - Remerciements

Le présent document a été rédigé en collaboration avec la Cyanamid Crop Protection et Agriculture et Agroalimentaire Canada. Nous remercions en particulier S. Darbyshire (AAC-CRECO) pour l'information fournie et l'examen du document.

Partie F - Bibliographie

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