Étude ciblée sur les substituts du bisphénol A et du BPA utilisés dans divers aliments en conserve Menée du 1er avril 2020 au 21 mars 2021

L'ACIA utilise des études ciblées pour concentrer ses activités de surveillance dans les domaines où le risque est le plus élevé. Grâce aux données obtenues de ces études, l'agence peut établir des priorités parmi ses activités afin de cibler les produits alimentaires les plus préoccupants. À l'origine, les études ciblées étaient menées dans le cadre du Plan d'action pour assurer la sécurité des produits alimentaires (PAASPA), mais depuis 2013 elles sont intégrées aux activités de surveillance régulières de l'ACIA. Les études ciblées constituent un outil précieux pour obtenir de l'information sur certains dangers posés par les aliments, cerner ou caractériser les dangers nouveaux ou émergents, recueillir l'information nécessaire à l'analyse des tendances, susciter ou peaufiner les évaluations des risques pour la santé, mettre en évidence d'éventuels problèmes de contamination ainsi qu'évaluer et promouvoir la conformité avec les règlements canadiens.

La salubrité des aliments est une responsabilité commune. L'ACIA collabore avec les paliers d'administration fédérale, provinciale, territoriale et municipale et exerce une surveillance de la conformité aux règlements visant l'industrie alimentaire pour favoriser une manipulation sûre des aliments à l'échelle de la chaîne de production alimentaire. L'industrie alimentaire et le secteur de la vente au détail au Canada sont responsables des aliments qu'ils produisent et vendent, tandis que les consommateurs sont individuellement responsables de la manipulation sécuritaire des aliments qu'ils ont en leur possession.

La présente étude ciblée visait à générer des données de surveillance de base sur la prévalence du BPA, du BADGE et de composés substituts dans les aliments vendus sur le marché de détail canadien. Elle visait aussi à comparer la prévalence de ces composés dans les aliments ciblés analysés dans le cadre de la présente étude et dans des produits similaires qui avaient été évalués lors d'études ciblées précédentes et dans des travaux rapportés dans la littérature scientifique. Le BPA est un composé chimique industriel utilisé pour fabriquer des résines époxy BADGE et des plastiques durs transparents désignés sous le nom de polycarbonate. Il est présent dans de nombreux articles, dont la vaisselle, les contenants d'entreposage et les emballages alimentaires. Les résines époxy BADGE sont également utilisées pour recouvrir et protéger l'intérieur des contenants et des couvercles en métal afin d'empêcher la corrosion du métal et la contamination subséquente des aliments et des boissons par les métaux dissous. Cependant, en raison de l'utilisation de ces revêtements, des composants chimiques des emballages alimentaires comme les résines époxy et le polycarbonate entrent en contact avec les aliments. Des résidus de BPA peuvent donc migrer des revêtements aux aliments, surtout lorsque des températures élevées sont impliquées dans les procédés de conservation (dont le remplissage à chaud et les traitements thermiques) ^{Note de bas de page 1},^{Note de bas de page 2},^{Note de bas de page 3}.

Les effets négatifs du BPA sur la santé sont bien documentés. Il a été démontré qu'une exposition à des concentrations élevées de BPA est associée à l'infertilité, au cancer du sein, au cancer de la prostate^{Note de bas de page 4} et certaines données suggèrent qu'elle peut également contribuer au développement de problèmes cardiovasculaires, hépatiques et diabétiques^{Note de bas de page 5}. Le BPA est un perturbateur du système endocrinien (PSE) qui peut favoriser l'apparition de diverses maladies, dont le dysfonctionnement du système reproducteur^{Note de bas de page 9}. Il est également un perturbateur du système nerveux qui influe sur les fonctions hormonales^{Note de bas de page 10}. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a recueilli certaines preuves selon lesquelles le BADGE aurait des effets cancérigènes sur des animaux, bien que ces données ne soient pas suffisantes pour conclure qu'il aurait des effets cancérigènes chez l'humain^{Note de bas de page 6}. Les études actuelles suggèrent que le BADGE pourrait aussi être un perturbateur endocrinien, mais il faudra des preuves supplémentaires pour pouvoir corroborer de manière concluante^{Note de bas de page 11},^{Note de bas de page 12}. SC a indiqué que le risque sanitaire associé au BADGE est considéré comme modéré d'après les informations toxicologiques disponibles^{Note de bas de page 7}.

En raison des effets néfastes sur la santé, certains fabricants ont soutenu des initiatives visant à réduire l'exposition au BPA par suite de son utilisation dans les emballages alimentaires et à mettre au point d'autres matériaux substituts. Outre le BPA, la présente étude ciblée a évalué la prévalence de deux substituts du BPA, soit le BPF et le BPS. Ces composés sont généralement considérés comme plus sûrs que le BPA, bien que leur toxicité soit méconnue et que certaines données probantes suggèrent que l'exposition à ces composés pourrait avoir des effets néfastes pour la santé^{Note de bas de page 8}. Comme il existe peu de données sur l'utilisation de ces composés par les fabricants, l'ACIA a jugé important de les inclure dans la portée de la présente étude.

Divers produits canadiens et importés en conserve comme du poisson, des fruits, de la viande, des garnitures pour tarte et des produits à base de légumes ont été échantillonnés entre le 1^er avril 2020 et le 31 mars 2021. Des échantillons de produits ont été collectés dans des magasins de détail locaux et régionaux de onze grandes villes canadiennes. Ces villes sont situées dans quatre régions géographiques canadiennes :

• Atlantique (Halifax, Moncton)
• Québec (Montréal, Québec)
• Ontario (Ottawa, Toronto)
• Ouest (Calgary, Saskatoon, Vancouver, Victoria, Winnipeg)

Le nombre d'échantillons qui ont été collectés dans chaque ville était proportionnel à la population relative des différentes régions. La durée de conservation, les conditions d'entreposage et le coût des aliments offerts sur le marché libre n'ont pas été pris en compte dans le cadre de la présente étude.

Les échantillons ont été analysés par un laboratoire d'analyse des aliments accrédité ISO/IEC 17025 et lié par contrat au gouvernement du Canada. Les résultats sont basés sur les produits alimentaires tels qu'ils sont vendus et non nécessairement tels qu'ils seraient consommés.

En l'absence de limites maximales (LM) établies pour le BPA et le BADGE, le BPF et le BPS, SC a évalué les concentrations dans les produits au cas par cas en utilisant les données scientifiques les plus récentes.

Le nombre d'échantillons analysés dans lesquels des concentrations de BPA et d'analogues (comme le BADGE, le BPF et le BPS) ont été détectées a varié selon le type de produit. Sur les 402 échantillons analysés, du BPA a été détecté dans 163 échantillons (41 %), du BADGE a été détecté dans 17 échantillons (4 %), du BPF a été détecté dans 2 échantillons (0,5 %) et du BPS a été détecté dans 7 échantillons (2 %). Du BADGE, du BPF et du BPS ont été détectés dans des échantillons de viande, de poisson et de produits de légumes en conserve, mais aucun de ces composés n'a été trouvé dans les 101 échantillons de fruits et de garnitures pour tarte en conserve qui avaient été prélevés dans le cadre de l'étude.

Sur les 100 échantillons de viande en conserve, 42 contenaient du BPA, 1 échantillon de poulet en conserve d'origine inconnue contenait du BPF et 5 échantillons de bœuf salé importé en conserve contenaient du BPS.

Sur les 101 échantillons de poisson en conserve analysés, 39 échantillons contenaient du BPA, 1 échantillon de hareng importé contenait du BPF et 1  échantillon de maquereau importé contenait du BPS.

Sur les 100 échantillons de légumes et de produits de légumes en conserve analysés, 163 échantillons (41 %) contenaient du BPA, 1 échantillon de produit de légumes importé (1 %) contenait du BADGE et 1 échantillon de produit de légumes importé (1 %) contenait du BPS.

Sur les 52 fruits en conserve analysés, 15 échantillons (29 %) contenaient du BPA tandis que sur les 49 garnitures pour tarte en conserve évaluées, 16 échantillons (33 %) contenaient du BPA. Tous les échantillons de fruits et de garnitures pour tarte en conserve dans lesquels des traces de BPA ont été trouvées étaient des produits importés. Aucun des échantillons de fruits et de garnitures pour tarte en conserve analysés ne contenait de BADGE, de BPF ou de BPS.

Bisphénol A (BPA)

Le tableau 2 ci-dessous présente les plages de concentrations de BPA qui ont été détectées dans les échantillons, par type de produit. Les taux de détection de BPA entre les diverses catégories de viande, de poisson et de produits de légumes en conserve étaient comparables, soit 42 %, 39 % et 51 % respectivement, de même que les concentrations moyennes dans ces produits, soit 43,5, 43,8 et 55,9 ppb. Les concentrations de BPA les plus élevées détectées dans les conserves de viande, de poisson et de légumes se trouvaient respectivement dans un échantillon de bœuf salé importé (479 ppb), dans un échantillon de sardines importées (395 ppb) et dans un échantillon de produit de légumes importé (151 ppb).

Les conserves de fruits et de garnitures pour tarte contenaient des concentrations moyennes de BPA plus faibles, soit 6,1 et 2,1 ppb respectivement. Les concentrations de BPA variaient de 1,4 à 21,4 ppb dans les fruits en conserve et de 1,1 à 7,1 ppb dans les garnitures pour tarte. Tous les 31 échantillons de fruits et de garnitures pour tarte en conserve qui contenaient du BPA étaient des produits importés.

Éther diglycidique de bisphénol A (BADGE)

Le tableau 3 ci-dessous présente les plages de concentrations de BADGE qui ont été détectées dans les échantillons, par type de produit. Sur les 402 produits en conserve qui ont été analysés dans le cadre de la présente étude, seulement 17 échantillons (4 %) contenaient des concentrations détectées de BADGE, soit 11 échantillons de viande, 5 échantillons de poisson et 1 échantillon de produit de légumes. La majorité (14) des échantillons qui contenaient du BADGE était des produits importés.

Pour l'ensemble des produits, la concentration moyenne de BADGE détectée a été de 141 ppb, et les concentrations minimale et maximale qui ont été détectées se trouvaient dans du poisson. Les concentrations trouvées variaient de 3,6 ppb à 1580 ppb. La concentration de BADGE la plus élevée détectée a été trouvée dans un échantillon de sardines importées et la deuxième concentration la plus élevée, dans un échantillon de maquereau importé (51 ppb). Pour ce qui est des produits de viande, les concentrations de BADGE détectées variaient de 6,5 ppb à 372 ppb, et la concentration la plus élevée détectée a été trouvée dans un pâté de viande importé. L'échantillon de légumes qui contenait du BADGE était un produit de légumes importé.

Parmi les 17 échantillons qui contenaient du BADGE, 8 contenaient également du BPA, et tous ces échantillons de viande et de poisson en conserve étaient des produits importés. Sur les 101 échantillons de fruits et de garnitures pour tarte en conserve analysés, aucun échantillon ne contenait de BADGE.

BPF et BPS analogues

Le tableau 4 ci-dessous présente les plages de concentrations de BPF qui ont été détectées dans les échantillons, par type de produit. Sur les 101 échantillons de poisson en conserve et les 100 échantillons de viande en conserve analysés, 1 échantillon de produit de poulet d'origine inconnue et 1 échantillon de hareng importé ont eu des résultats positifs au analyse du BPF. Aucun échantillon de produits de légumes, de fruits ou de garnitures pour tarte en conserve ne contenait de BPF. Sur les 402 échantillons analysés, seulement 2  échantillons (0,5 %) contenaient du BPF.

Le tableau 5 ci-dessous illustre les plages de concentrations de BPS qui ont été détectées dans les échantillons, par type de produit. Sur l'ensemble des échantillons de produits en conserve analysés, 1 échantillon de maquereau importé contenait du BPS. Sur l'ensemble des échantillons de viande en conserve analysés, 5 échantillons de produits importés de bœuf salé contenaient du BPS et du BPA. Sur l'ensemble des échantillons de légumes en conserve analysés, un seul produit importé contenait du BPS. Aucun échantillon de fruits en conserve et de garnitures pour tarte ne contenait de BPS. Sur les 402 échantillons analysés, seulement 2 % des échantillons contenaient du BPS et aucun de ces produits n'était un produit canadien.

Les données de la présente étude ont été comparées à celles d'études antérieures et d'autres publications scientifiques dans lesquelles le BPA et des produits analogues avaient été analysés dans des produits similaires. Toutes les études ciblées effectuées par l'ACIA et les études publiées dans la littérature scientifique ont porté sur les contaminants chimiques qui sont présents dans les aliments vendus sur le marché canadien uniquement, y compris l'étude sur le poisson en conserve publiée dans le Journal of Food Protection^{Note de bas de page 14} et l'Étude canadienne sur l'alimentation totale du programme de surveillance des aliments mis en œuvre par SC15. Dans l'ensemble, les concentrations de BPA détectées étaient comparables à celles trouvées dans les études précédentes de l'ACIA et les études publiées dans la littérature scientifique, comme le présente le tableau 6^{Note de bas de page 14},^{Note de bas de page 15}.

La concentration de BPA maximale détectée dans les produits de poisson ou de fruits de mer en conserve en 2017 a été trouvée dans un échantillon de sardines importées (1480 ppb) et cette valeur diffère considérablement de la concentration maximale détectée en 2020 dans des sardines importées (395 ppb). Cependant, la concentration la plus élevée détectée en 2017 était très élevée comparativement aux valeurs rapportées dans tous les autres échantillons de poisson ou fruits de mer en conserve de cette étude. Globalement, les concentrations de BPA moyennes détectées dans les produits de poisson en conserve sont cohérentes entre les études et les diverses années. Les taux de détection du BADGE dans le poisson ou les fruits de mer en conserve étaient également similaires entre les études. En 2020, du BADGE a été détecté dans 5 % des 101 échantillons de poisson en conserve tandis qu'en 2017, ce composé a été trouvé dans 8 % des 237 échantillons de poisson ou fruits de mer en conserve. En 2020, seul 1 échantillon de poisson en conserve contenait du BPF et 1 échantillon contenait du BPS, alors qu'aucun échantillon ne contenait l'un ou l'autre de ces composés en 2017.

Dans le cadre de la présente étude, la concentration de BPA maximale détectée dans les fruits en conserve a été trouvée dans des produits importés de litchis dans un sirop (21,4 ppb), et cette valeur est très différente de la concentration maximale de 1460 ppb qui avait été détectée en 2016 dans un produit biologique importé d'ananas dans son jus. Cependant, la concentration la plus élevée détectée en 2016 constitue une valeur élevée par rapport aux valeurs détectées dans les autres échantillons de fruits en conserve dans le cadre de cette étude. Les concentrations de BPA moyennes étaient plus basses que les valeurs qui ont été rapportées dans des études comparables menées au fil des ans. Aucun échantillon de fruits en conserve collectés dans le cadre des études de 2020 et de 2016 ne contenait de BADGE, de BPF ou de BPS. Dans les études menées en 2012 et en 2013, aucune analyse des BPF et BPS analogues n'avait été effectué.

Les concentrations de BPA maximales et moyennes détectées dans les échantillons de viande en conserve qui ont été analysés dans le cadre de la présente étude étaient similaires aux valeurs rapportées dans les études antérieures, et les taux de détection de BPA semblent avoir diminué au fil de la période étudiée. De manière semblable, les taux de détection de BPF dans la diversité des échantillons de viande en conserve qui ont été analysés ont diminué et ont passé de 29 % en 2017 à 1 % en 2020. Du BPS a été trouvé dans 5 échantillons de bœuf salé importé en 2020 et 1 échantillon de bœuf salé importé en 2017.

Les concentrations de BPA maximales et moyennes dans les échantillons de garnitures pour tarte en conserve de la présente étude ont été respectivement de 7,1 ppb et de 2,1 ppb. Ces concentrations ont diminué par rapport aux valeurs des années passées. La concentration de BPA la plus élevée détectée a été trouvée dans un produit importé de garniture pour tarte à la citrouille (2240 ppb). Cette valeur était élevée comparativement aux valeurs trouvées dans les autres échantillons de garnitures pour tarte en conserve qui avaient été analysés dans le cadre de cette étude. Globalement, les concentrations moyennes détectées dans les garnitures pour tarte en conserve sont comparables à celles des autres produits analysés, et elles varient de 2,1 ppb à 281 ppb. Les échantillons de garnitures pour tarte en conserve qui ont été analysés dans le cadre de la présente étude ou des études menées en 2018 et en 2016 ne contenaient pas de BADGE, de BPF ou de BPS. À noter que dans le cadre de l'étude menée en 2013, aucune analyse des BPF et BPS analogues n'avait été effectué.

Les concentrations de BPA moyennes détectées dans les légumes et les produits de légumes en conserve étaient comparables entre les études des diverses années. Elles étaient également comparables aux concentrations qui ont été trouvées dans les autres produits. La valeur maximale la plus élevée trouvée a été de 751 ppb en 2016 et se trouvait dans un produit de maïs importé, suivie d'une concentration de 565 ppb en 2013 dans un échantillon de maïs.

Divers facteurs peuvent avoir une incidence sur les concentrations de BPA présentes dans les aliments. Selon les études menées sur les concentrations de BPA, les écarts de concentrations peuvent être attribuables au type de produit analysé, à la taille de l'échantillon ou à la composition de la couche de polymère qui recouvre l'intérieur des boîtes de conserve^{Note de bas de page 16},^{Note de bas de page 17}. Il a été démontré que la température impliquée dans le processus de traitement de conservation ainsi que la présence de chlorure de sodium, de glucose, de matières grasses et d'huiles végétales ont également une incidence sur le transfert de BPA du revêtement de la boîte de conserve aux aliments^{Note de bas de page 13},^{Note de bas de page 18},^{Note de bas de page 19}. Une étude sur les légumes en conserve démontre également que le type d'aliment, la marque de produit, le pH, les matières grasses et la teneur en eau ont une incidence sur la migration de BPA^{Note de bas de page 20}. Il est donc normal d'observer une certaine différence des concentrations de BPA maximales et moyennes entre les divers aliments et types de produits, notamment en raison de la variation du nombre d'échantillons d'une étude à l'autre.

Aucune réglementation au Canada n'encadre les concentrations de BPA ou de BADGE dans les aliments. Toutes les concentrations de BPA et de BADGE détectées dans les produits analysés dans le cadre de la présente étude ont été évaluées par SC qui a déterminé qu'aucun des échantillons ne présentait de risque inacceptable pour la santé humaine. Aucun rappel n'a donc eu lieu à la suite de la présente étude.