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Bactéries pathogènes dans le café infusé à froid - 1 avril 2018 à 31 mars 2019

Microbiologie des aliments - Études ciblées - Rapport final

PDF (911 ko)

Résumé

Les cafés infusés à froid ont récemment connu une hausse de leur popularité en Amérique du Nord. Malgré cette hausse de popularité, il n'existe actuellement aucune donnée de sécurité alimentaire. Le café infusé à froid est considéré comme présentant un risque plus élevéNote de bas de page 1 que le café infusé de manière classique, car il n'est pas soumis à une étape de traitement thermique et qu'il peut être conservé au réfrigérateur pendant de longues périodes, ce qui permet aux contaminants éventuels de survivre ou de se multiplier.

Compte tenu des facteurs susmentionnés et de leur pertinence pour les Canadiens, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), dans le cadre de son programme de surveillance microbiologique des aliments, a décidé de mener une étude d'un an pour examiner la qualité et l'innocuité microbiologiques du café infusé à froid.

Au cours de la présente étude (menée du 1er avril 2018 au 31 mars 2019), un total de 59 échantillons de café infusé à froid a été prélevé dans des points de vente au détail de 11 villes canadiennes. Ces échantillons ont été soumis à un dépistage des bactéries pathogènes Salmonella spp. et Escherichia coli (E. coli) O157. Ils ont aussi été analysés à des fins de numération des colonies aérobies (NCA) et de recherche des bactéries E. coli de type générique, des microorganismes indicateurs des conditions sanitaires générales qui prévalent le long de la chaîne de production alimentaire, depuis la production jusqu'au point de vente.

Dans cette étude, 15 échantillons sur 59 (25,4 %) ont présenté des résultats investigatifs pour la NCA. Par ailleurs, les bactéries Salmonella spp., E. coli O157 et E. coli de type générique (> 100 nombre le plus probable [NPP]/mL) n'ont été détectées dans aucun des échantillons. Il existe de nombreux points dans la chaîne de production où la contamination peut se produire, par exemple durant la récolte et la transformation des grains de café ainsi que pendant la préparation du café (utilisation d'eau contaminée pour l'infusion, utilisation d'équipements et de contenants insalubres). La contamination peut également être introduite par du personnel infecté ou un milieu de production insalubre. Étant donné que le café infusé à froid est généralement consommé « tel quel », la présence d'agents pathogènes pourrait représenter un risque de maladies d'origine alimentaire.

Dans l'ensemble, les résultats de notre étude indiquent que la plupart des cafés infusés à froid peuvent être consommés sans danger puisque la majorité des échantillons semblent avoir été produits dans des conditions sanitaires adéquates. Toutefois, une perte des contrôles sanitaires peut se produire le long de la chaîne de production alimentaire. Le nombre d'échantillons, de types de produits et de microorganismes analysés dans le cadre de notre étude étant limité, il faut interpréter nos résultats en tenant compte de ce contexte. L'ACIA continuera à surveiller l'approvisionnement alimentaire pour s'assurer que tous les aliments, y compris le café infusé à froid, répondent aux normes canadiennes de sécurité alimentaire. En outre, comme pour tous les aliments, des pratiques de manipulation sûre sont recommandées pour les producteurs, les détaillants et les consommateurs.

En quoi consistent les études ciblées

L'ACIA utilise les études ciblées pour concentrer ses activités de surveillance dans les domaines où le risque est le plus élevé. Grâce aux données obtenues de ces études, l'agence peut établir des priorités parmi ses activités afin de cibler les produits alimentaires les plus préoccupants. À l'origine, les études ciblées étaient menées dans le cadre du Plan d'action pour assurer la sécurité des produits alimentaires (PAASPA), mais depuis 2013 elles sont intégrées aux activités de surveillance régulières de l'ACIA. Les études ciblées constituent un outil précieux pour obtenir de l'information sur certains dangers posés par les aliments, cerner ou caractériser les dangers nouveaux ou émergents, recueillir l'information nécessaire à l'analyse des tendances, susciter ou peaufiner les évaluations des risques pour la santé, mettre en évidence d'éventuels problèmes de contamination ainsi qu'évaluer et promouvoir la conformité avec les règlements canadiens.

La salubrité des aliments est une responsabilité partagée. L'ACIA collabore avec les administrations fédérales, provinciales, territoriales et municipales et exerce une surveillance de la conformité aux règlements visant l'industrie alimentaire pour favoriser une manipulation sûre des aliments tout le long de la chaîne de production alimentaire. L'industrie alimentaire et le secteur de la vente au détail au Canada sont responsables des aliments qu'ils produisent et qu'ils vendent, tandis que les consommateurs sont individuellement responsables de la manipulation sécuritaire des aliments qu'ils ont en leur possession.

Pourquoi avoir mené cette étude

Le café infusé à froid est une boisson populaire qui a récemment revigoré l'industrie du café. La préparation du café infusé à froid consiste généralement à faire tremper les grains de café moulus grossièrement 12 à 24 heures dans de l'eau à la température ambiante. Le tout est ensuite filtré, et le liquide obtenu est embouteillé, ou mis en conserve, et réfrigéré jusqu'à sa consommation. C'est le temps plutôt que la chaleur qui permet d'extraire l'arôme, la caféine et les sucres des grains de café. Le café infusé à froid peut favoriser la survie et la croissance d'agents pathogènes qui seraient autrement inactivés par l'eau chaude lors de la préparation du café infusé de manière classique. Ainsi, l'absence d'eau chaude au moment de l'infusion et les longues heures de trempage du café pourraient entraîner un problème de sécurité alimentaire. C'est pourquoi l'ACIA a décidé de mener une étude restreinte sur 59 échantillons.

Quels produits ont été échantillonnés

Pour cette étude, des échantillons de café infusé à froid réfrigéré et préemballé de marques et types différents ont été prélevés de manière régulière tout au long de l'exercice financier (du 1er avril 2018 au 31 mars 2019). Aucune restriction n'a été imposée quant au pays d'origine, à la marque, au type de produit, à l'emballage, etc.

Un échantillon était constitué d'une ou de plusieurs unités (contenant(s) individuel(s) en format destiné au consommateur provenant d'un seul lot) d'un volume total d'au moins 250 mL. Tous les échantillons ont été prélevés dans des magasins de vente au détail nationaux et locaux ou régionaux situés dans 11 grandes villes partout au Canada. Ces villes englobaient 4 régions géographiques :

Le nombre d'échantillons recueillis dans ces villes était proportionnel à la population relative des régions respectives.

Quelles méthodes d'analyse ont été utilisées et comment les échantillons ont-ils été évalués

Les échantillons ont été analysés à l'aide de méthodes analytiques publiées dans le Compendium de méthodes d'analyse pour l'analyse microbiologique des alimentsNote de bas de page 2 (tableau 1).

Tableau 1. Méthodes d'analyse et critères d'évaluation pour les bactéries dans le café infusé à froid
Analyse bactériologique Numéro d'identification de la méthode Note de tableau a Évaluation satisfaisante Évaluation investigative Évaluation insatisfaisante
NCA MFHPB-18 ≤ 102 unités formant des colonies (UFC)/mL > 102 UFC/mL Sans objet (S.O.)
E. coli de type générique MFHPB-19 ≤ 102 NPP/mL > 102 NPP/mL S.O.
Salmonella spp. MFLP-49 Absence dans 25 g S.O. Présence dans 25 g
E. coli O157 MFHPB-10
MFLP-30
Absence dans 25 g S.O. Présence dans 25 g

Notes de tableau

Note de tableau a

Les méthodes utilisées étaient celles publiées au moment de l'analyse.

Retour à la référence de la note de tableau a

Au moment de la rédaction du présent rapport, aucune directrice d'évaluation n'avait été établie au Canada concernant la présence d'organismes indicateurs ou de bactéries pathogènes dans le café infusé à froid. Cependant, comme Salmonella spp. et E. coli O157 sont considérés comme pathogènes pour l'homme, leur présence a été considérée comme une violation de l'alinéa 4(1)aNote de bas de page 3 de la Loi sur les aliments et drogues (LAD) et, par conséquent, en l'absence de lignes directrices d'évaluation, a été jugée insatisfaisante par l'ACIA (tableau 1).

Contrairement aux bactéries pathogènes (Salmonella, E. coli O157), E. coli de type générique se trouve fréquemment dans les intestins des animaux et des humains et la plupart des souches sont inoffensives. De même, le nombre de colonies aérobies (NCA) est le nombre total de bactéries généralement inoffensives qui sont capables de se multiplier dans un milieu oxygéné (aérobie). Les bactéries aérobies sont des composants normaux de l'environnement et peuvent se trouver dans le sol et les sources d'eau naturelles. Les bactéries E. coli de type générique et les bactéries aérobies sont toutes deux considérées comme des organismes indicateurs et les quantités présentes dans un produit alimentaire sont utilisées pour évaluer les conditions sanitaires générales le long de la chaîne alimentaire, depuis la production jusqu'au point de vente. Leur présence à certaines concentrations est tolérée. Un résultat investigatif est associé à des concentrations élevées d'E. coli de type générique et de colonies aérobies (NCA > 100 UFC ou NPP/mL) [tableau 1], ce qui peut donner lieu à des mesures de suivi supplémentaires. Comme les résultats reposent sur l'analyse d'une seule unité (n = 1), il pourrait être nécessaire de faire un échantillonnage supplémentaire pour vérifier les concentrations dans le lot.

Résultats de l'étude

Au cours de cette étude (du 1er avril 2018 au 31 mars 2019), 59 échantillons ont été recueillis et soumis à un dépistage de bactéries pathogènes (Salmonella spp., E. coli O157) ainsi qu'à une recherche d'E. coli de type générique et à une numération des colonies aérobies. Les bactéries E. coli de type générique et les colonies aérobies sont des indicateurs des conditions sanitaires générales qui prévalent le long de la chaîne de production alimentaire. Les résultats de l'évaluation des échantillons figurent dans le tableau 2.

Tableau 2. Résultats de l'évaluation du café infusé à froid
Analyse bactériologique Nombre d'échantillons analysés Évaluation satisfaisante
(% du total)
Évaluation investigative
(% du total)
Évaluation insatisfaisante
(% du total)
NCA 59 44
(74,6)
15 (25,4) S.O.
E. coli de type générique 0 S.O.
Salmonella spp. S.O. 0
E. coli O157 S.O. 0
Total 59 44 (74,6) 15 (25,4) 0 (0)

Les bactéries Salmonella spp, E. coli O157 et E. coli de type générique (> 100 NPP/mL) n'ont été détectées dans aucun échantillon. Quinze échantillons (25,4 %) ont présenté des concentrations élevées (> 100 UFC/g) à la NCA.

Sur les 59 échantillons analysés, 27 (45,8 %) visaient des produits d'origine canadienne, 12 (20,3 %), des produits importés, et 20 (33,9 %), des produits d'origine inconnue (tableau 3). Les produits étaient soit du café infusé à froid (43; 72,9 %), soit du café infusé à froid contenant du lait de noix (16; 27,1 %) [tableau 3].

Tableau 3. Répartition des échantillons par type de produit et par origine
Type de produit Pays d'origine Évaluation satisfaisante Évaluation investigative
(NCA > 100 UFC/g)
Nombre total d'échantillons analysés
Café infusé à froid Canadien et importé 28 15 43
Café infusé à froid Canada 10 11 21
Café infusé à froid États-Unis 2 1 3
Café infusé à froid Brésil et Éthiopie 0 1 1
Café infusé à froid Inconnu 16 2 18
Café infusé à froid contenant du lait de noix Canadien et importé 16 0 16
Café infusé à froid contenant du lait de noix Canada 6 0 6
Café infusé à froid contenant du lait de noix États-Unis 8 0 8
Café infusé à froid contenant du lait de noix Inconnu 2 0 2
Total Canadien et importé 44 15 59

Que signifient les résultats de l'étude

Dans cette étude préliminaire, les bactéries Salmonella  spp. E. coli O157 et E. coli de type générique (à des concentrations > 100 NPP/mL) n'ont été détectées dans aucun des 59 échantillons analysés. Des concentrations élevées de colonies aérobies (NCA > 100 UFC/g) ont été trouvées dans 15 échantillons sur 59 (25,4 %). Par suite de ces résultats, l'ACIA a pris les mesures de suivi appropriées.

En 2017, une étudede petite échelleNote de bas de page 4 a été menée aux États-Unis pour examiner la survie des agents pathogènes non sporulés d'origine alimentaire dans le café infusé à froid. Plusieurs bouteilles scellées de café frais (datant de 7 jours) de 11 oz ont été soumises à une inoculation de trois souches de chacune des bactéries E. coli O157:H7, Salmonella  spp. et Listeria monocytogenes dont les populations étaient d'environ 1 × 105 UFC/mL. Ces bouteilles ont été conservées au réfrigérateur et à la température ambiante pendant une période pouvant aller jusqu'à trois semaines. Le café infusé à froid a été soumis à une inoculation d'agents pathogènes dont les concentrations étaient beaucoup plus élevées que celles que l'on trouve normalement dans une installation de transformation des aliments. Aucune croissance ni survie de l'un ou l'autre des agents pathogènes n'a été observée pendant cette période. Les auteurs de l'étude ont conclu que le café infusé à froid ne favorisait pas la survie ni la croissance des bactéries pathogènes végétatives, probablement en raison du manque de nutriments microbiens ou de la présence de facteurs antimicrobiens dans le café. Ces résultats confirment ceux de notre étude puisque nous n'avons pas détecté de bactéries pathogènes (Salmonella spp. ou E. coli O157) dans les 59 échantillons de café infusé à froid que nous avons analysés. Étant donné que notre étude a révélé des concentrations élevées (> 100 UFC/g) à la NCA dans 25,4 % (15/59) des échantillons, il semble que le café infusé à froid pourrait favoriser la survie de certaines bactéries et pourrait indiquer une défaillance des bonnes pratiques d'hygiène dans le processus de production. Par conséquent, des études supplémentaires pourraient être justifiées pour déterminer la source de la contamination et, le cas échéant, les points critiques à maîtriser dans la chaîne de production, lesquels points critiques devraient être circonscrits et pris en compte par l'industrie.

Aux États-Unis, en 2017, une entreprise a lancé un rappel du café Nitro infusé à froid en raison de la possibilité de croissance d'un microorganisme producteur de toxine botuliniqueNote de bas de page 5 dans les boîtes de café infusé à froid. La production a été interrompue jusqu'à ce qu'une étape supplémentaire soit mise en place dans le processus de fabrication. Aucune maladie n'a été signalée.

Dans l'ensemble, les résultats de notre étude indiquent que la plupart des cafés infusés à froid peuvent être consommés sans danger puisque la majorité des échantillons semblent avoir été produits dans des conditions sanitaires adéquates. Toutefois, une contamination par des bactéries pathogènes peut survenir occasionnellement, et une perte des contrôles sanitaires peut également se produire le long de la chaîne de production alimentaire. Par conséquent, comme pour tous les aliments, des pratiques de manipulation sûres sont recommandées aux producteurs, aux détaillants et aux consommateurs.

Le nombre d'échantillons, de types de produits et de microorganismes analysés dans le cadre de notre étude étant limité, il faut interpréter nos résultats en tenant compte de ce contexte. L'ACIA continuera à surveiller l'approvisionnement alimentaire pour s'assurer que tous les aliments, y compris le café infusé à froid, répondent aux normes canadiennes de sécurité alimentaire.

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