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DGR-19-02 : Document de gestion des risques phytosanitaires pour la déréglementation du – Tomicus piniperda (grand hylésine des pins)

Date d'entrée en vigueur : 4 novembre 2020

Préface

En vertu de la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV), l'analyse du risque phytosanitaire (ARP) comprend trois étapes : l'initiation, l'évaluation du risque phytosanitaire et la gestion du risque phytosanitaire. Le lancement du processus d'ARP comprend l'identification des organismes nuisibles et des voies d'entrée préoccupantes ainsi que la définition de la zone d'ARP. L'évaluation du risque phytosanitaire fournit la base scientifique permettant de gérer le risque dans son ensemble. La gestion des risques phytosanitaires est le processus consistant à déterminer et à évaluer les mesures d'atténuation pouvant être prises pour réduire les risques posés par les organismes nuisibles identifiés à des niveaux acceptables et pour choisir des mesures adéquates.

Ce document de gestion du risque (DGR) comprend un sommaire des résultats issus d'une évaluation du risque phytosanitaire et présente le processus de gestion du risque phytosanitaire suivi pour traiter le problème en cause. Il cadre avec les principes, la terminologie et les lignes directrices fournis dans les normes de la CIPV en matière d'analyse du risque phytosanitaire, disponible dans le site Web de la Convention internationale pour la protection des végétaux. Il convient également de souligner que le grand hylésine des pins est établi au Canada depuis plus de vingt ans et que la présente décision sur la gestion des risques (DGR) sert à évaluer l'efficacité et l'avantage des mesures existantes.

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Sommaire

Le Tomicus piniperda (grand hylésine des pins) est un ravageur forestier envahissant qui est présent en Amérique du Nord depuis près de 40 ans et qui fait l'objet d'une lutte officielle, tant aux États-Unis qu'au Canada, depuis sa découverte. Lorsque le ravageur a fait son apparition, des craintes ont été soulevées quant à sa possible propagation pouvant mener à des dommages au sein de forêts de pins en importance pour le secteur forestier canadien. Or, 20 ans après son établissement, il existe peu de preuves qui suggèrent que le grand hylésine des pins a causé d'importants dommages aux pineraies indigènes. Le Pinus sylvestris (pin sylvestre), son principal hôte, n'est pas indigène des Amériques et a été attaqué dans les plantations seulement lorsqu'il était soumis à un stress.

De plus, ce ne sont pas toutes les espèces de pins de l'Amérique du Nord qui sont aussi faciles à attaquer pour le coléoptère et celui-ci apprécie particulièrement le pin sylvestre non indigène. Les pins durs semblent être préférés aux pins tendres pour la nidification et l'alimentation des larves. D'autres types de conifère sont attaqués de temps à autre, mais ils ne sont pas de véritables hôtes de prédilection pour le coléoptère. La plupart des attaques n'ont aucun effet, même sur les arbres soumis à un stress et, en général, seuls les arbres en état de dégradation avancé meurent après avoir été attaqués par ce ravageur, la sécheresse et d'autres sources de stress augmentant les risques d'attaques réussies. On peut en conclure raisonnablement qu'il s'agit d'un ravageur secondaire qui attaque les arbres faibles et mourants et qui contribue, ainsi, au recyclage de la forêt.

Il est probable que le coléoptère se propage davantage au Canada jusqu'à occuper la totalité des forêts de conifères et des forêts mixtes. La propagation par l'activité humaine est possible, particulièrement dans les grumes non écorcées, le bois de chauffage non écorcé et les produits de pépinière, selon la période de l'année et la taille de ceux-ci.

Une analyse économique effectuée par les États-Unis, et une étude semblable du Canada, ont montré que le coût de la réglementation surpasse les avantages tirés de la lutte contre ce coléoptère. Les États-Unis procèdent actuellement à une déréglementation relative à cet insecte en supprimant toute mesure de lutte permettant de limiter sa propagation par l'entremise de l'activité humaine.

À la suite de la consultation et d'un examen attentif de la rétroaction des intervenants, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) déréglemente le Tomicus piniperda au Canada et communique la décision par l'intermédiaire de la présente DGR. Cette déréglementation ne devrait causer aucun problème important en matière d'accès au marché avec les États-Unis étant donné que ce pays a également décidé de déréglementer le grand hylésine des pins à compter du 2 novembre 2020, ce qui donne lieu au retrait des règlements nationaux en plus des restrictions à l'importation qui s'appliquent à l'importation d'un matériel hôte du grand hylésine des pins (GHP) en provenance du Canada.

La directive D-94-22 : Exigences phytosanitaires s'appliquant aux plants et produits forestiers de pin et visant à éviter l'introduction et la propagation du grand hylésine des pins, qui décrit les exigences phytosanitaires concernant l'importation d'un matériel hôte du GHP en provenance de la zone continentale des États-Unis, ainsi que son déplacement à l'intérieur et l'exportation du Canada vers la zone continentale des États-Unis, sera révoquée.

1.0 Objectif

L'objectif de ce document consiste à communiquer la décision sur la gestion des risques de l'ACIA afin de déréglementer le Tomicus piniperda (grand hylésine des pins) au Canada.

2.0 Portée

Le présent document de gestion du risque phytosanitaire (DGR) relève des dispositions règlementaires et de programmes canadiens (importation et déplacement intérieur des végétaux) par rapport au Tomicus piniperda. Il présente également l'historique et la justification scientifique qui expliquent la raison pour laquelle l'ACIA a décidé de déréglementer ce ravageur.

3.0 Définitions

Les définitions des termes employés dans le présent document se trouvent dans le Glossaire de la protection des végétaux.

4.0 Contexte

Des preuves circonstancielles suggèrent que le Tomicus piniperda s'est probablement établi dans le nord-est des États-Unis pendant les années 1980 et qu'il s'est produit au moins deux introductions distinctes (Carter, 1996; Haack, 1997). Le coléoptère a d'abord été signalé au Canada en 1993, dans la péninsule du Niagara, et les enquêtes subséquentes qui ont eu lieu au cours de cette même année ont permis de découvrir ce coléoptère dans sept circonscriptions du sud de l'Ontario (Favrin et Howse, 1998). Depuis, il s'est propagé dans tout l'Ontario et le Québec de sorte que la zone réglementée comprend toutes les circonscriptions comprises dans la zone couvrant Sault Ste-Marie, en Ontario, à l'est, longeant la rivière des Outaouais et du fleuve Saint-Laurent, allant jusqu'au Témiscouata, à la frontière du Nouveau-Brunswick, à l'ouest, et s'étendant jusqu'à la frontière des États-Unis, au sud (voir la liste des régions du Canada et des États-Unis qui sont infestée du grand hylésine des pins). Aux États-Unis, le ravageur s'est établi de part et d'autre de la zone couvrant les États du Nord-Est et du Centre-Nord, allant du Minnesota au Maine, et s'étendant au sud jusqu'à la limite nord du Missouri, du Maryland et de la Virginie-Occidentale, comme illustré dans la carte de la zone de quarantaine de l'Amérique du Nord relative au grand hylésine des pins (en anglais seulement).

5.0 Sommaire de l'évaluation du risque phytosanitaire

Une évaluation du risque phytosanitaire relative au Canada a été réalisée en 1999, puis mise à jour en 2012. À l'époque de l'évaluation initiale, de nouvelles informations suggéraient que la plupart des pins d'Amérique du Nord étaient des hôtes possibles pour le grand hylésine des pins et que les Pinus resinosa (pin rouge), Pinus banksiana (pin gris) et Pinus ponderosa (pin ponderosa) étaient des arbres de prédilection pour le coléoptère. De plus, son hôte indigène, le Pinus sylvestris ou le pin sylvestre, est attaqué en Amérique du Nord, tout comme dans son aire de répartition d'origine en Europe, en Asie et en Afrique du Nord. Le Pinus strobus (pin blanc) est un hôte moins attrayant, mais il n'est pas pour autant épargné. Le coléoptère peut survivre dans toute l'étendue des forêts de pins du Canada et, de façon générale, en Amérique du Nord, y compris dans la forêt boréale. Le potentiel d'établissement a été considéré comme élevé. Toutefois, son taux de propagation naturelle est relativement faible comparativement à d'autres ravageurs. Le nombre de décès signalés chez les pins indigènes en Ontario a précipité le renouvellement de l'évaluation du risque, mais cette dernière a tout de même déterminé qu'il était improbable que des pins indigènes soient tués, à moins d'être près d'une pineraie de pins sylvestres non indigènes grandement infestée. Depuis, il n'y a eu aucune autre preuve directe montrant que ce coléoptère est un ravageur majeur pouvant tuer des arbres en santé ou causer une augmentation importante du taux de mortalité supplémentaire des pins indigènes au Canada. Aussi, l'industrie des sapins de Noël emploie de moins en moins le pin sylvestre non indigène au profit d'autres espèces.

5.1 Biologie du ravageur

5.1.1. Cycle de vie

Le Tomicus piniperda est un coléoptère de la famille des Curculionidae (les charançons), de la sous-famille des Scolytinea (les scolytes), qui se nourrissent et se reproduisent sur des pins en santé et fraîchement coupés, ainsi que sur les souches. Les adultes quittent leur lieu d'hivernage et s'envolent lors des premiers jours doux et secs du printemps, lorsque les températures maximales quotidiennes atteignent 10 à 12 °C et que la température moyenne quotidienne se situe entre 7 et 8 °C (Humphreys et Allen, 1998). Les adultes cherchent des arbres affaiblis ou stressés ou encore, des souches ou des grumes de pin pour y pondre leurs œufs (Haack et Poland, 2001). Après avoir trouvé un hôte convenable, ils creusent une galerie sous l'écorce destinée à la ponte. Par la suite, ils en sortent et meurent. D'avril à juin, les larves se nourrissent dans des galeries séparées mesurant entre 2,5 et 10 cm de long jusqu'à mai ou juin, puis se pupifient et se transforment en adultes à l'extrémité de leur galerie d'alimentation (Humphreys et Allen, 1998). Les jeunes adultes sortent de l'écorce et attaquent les nouvelles pousses de pins de tous âges. Les pousses de rameaux de l'année en cours sont enfouies jusqu'à 10 cm à l'intérieur de la moelle. En octobre, les adultes sortent des rameaux et se terrent dans le sol ou s'enfoncent dans l'écorce à la base du tronc du pin afin d'y passer l'hiver; dans les climats plus doux, ils peuvent également hiverner dans les galeries forées dans les pousses de la cime de l'arbre (Haack et Poland, 2001). La durée du cycle de vie du grand hylésine des pins dépend beaucoup du climat local. La neige accumulée ajoute de l'isolation et aide le coléoptère à survivre dans les climats froids. Les larves meurent lorsque la température est inférieure à -12 °C et les nymphes et les adultes, lorsqu'elle est inférieure à -18°C (Humphreys et Allen, 1998).

5.1.2. Gamme d'hôtes

Dans le cadre d'une étude européenne, des expériences sur le terrain ont été effectuées en France et en Suède et les observations relatives à la densité d'attaque du grand hylésine des pins ont été enregistrées pour certaines espèces de pins poussant au Canada. En France, les espèces canadiennes de pin qui se sont révélées des hôtes de prédilection étaient, en ordre descendant de préférence, les suivants : Pinus ponderosa Lawson (pin ponderosa), P. banksiana Lamb. (pin gris) et P. contorta Douglas (pin lodgepole). Les pins Pinus resinosa Sol. ex Aiton (pin rouge) et P. strobus L. (pin blanc) n'ont pas du tout été attaqués en France, alors qu'en Suède, le pin blanc, le pin lodgepole et le pin gris l'ont été, mais à un taux beaucoup plus faible que le pin sylvestre (Långström et. coll., 1995). En Amérique du Nord, le pin blanc est attaqué uniquement lorsque les populations de coléoptères sont élevées (Humphreys et Allen, 1998).

Dans une troisième étude, des pins du sud, soit les Pinus taeda L. (pin à encens), Pinus echinata Miller (pin épineux), Pinus elliottii var. elliottii Engelmann (pin d'Elliott), Pinus palustris Miller (pin des marais) et Pinus virginiana Miller (pin de Virginie), ainsi que deux pins de l'Ouest, soit les Pinus ponderosa Lawson (pin ponderosa) et Pinus contorta Douglas (pin lodgepole), se sont révélés des hôtes acceptables pour la reproduction, même si la création des couvains y varie grandement. Les pins à encens et épineux sont sensibles à l'alimentation dans les pousses, tandis que le pin d'Elliott y est très résistant et le pin des marais, pratiquement immunisé, puisque tous les coléoptères qui l'attaquent sont éjectés par l'écoulement de sa résine (Eager et. coll., 2004).

En bref, le grand hylésine des pins peut vivre sur la plupart des espèces de pins, mais les pins durs sont leurs hôtes de prédilection, comparativement au bois tendre, pour y pondre leurs œufs et y créer des couvains. Pour son alimentation de pousses, le coléoptère n'est pas sélectif. D'autres conifères sont parfois attaqués, mais ne peuvent pas être considérés comme des hôtes. Les Abies balsamea (L.) Mill. (sapin baumier), Picea abies (L.) H. Karst. (épinette de Norvège), Larix (mélèze) et Pseudotsuga menziesii (Mirb.) Franco (sapin Douglas) sont tous consignés comme des « hôtes » lorsque leurs populations sont élevées (CAB-International, 2018; Humphreys et Allen, 1998).

5.1.3. Distribution

Le grand hylésine des pins présente une distribution géographique extrêmement vaste, s'étendant du Portugal, en Europe de l'Ouest, au Japon, en Asie, à l'est, et de la limite au-delà du cercle arctique du nord de l'Europe jusqu'en Afrique du Nord, au sud (CAB-International, 2018). En 2019 au Canada et aux États-Unis, on le retrouve de la zone comprise entre le Minnesota et l'Ontario, à l'est, et le Maine et le Québec, à l'ouest, allant jusqu'au nord du Missouri, et traversant tout le long de la Côte Atlantique. Jusqu'ici, il est demeuré au nord du Kentucky et de tous les autres États, à l'exception des quelques comtés du nord de la Virginie, et n'a pas été signalé au Delaware (USDA, 2016).

5.2 Voies d'entrée, établissement et propagation

5.2.1. Risque d'introduction

Plusieurs voies d'entrée ont été déterminées et examinées dans le cadre de l'évaluation du risque lié au grand hylésine des pins. Les voies pertinentes sont les suivantes :

Bois de caisse, palettes, bois de chauffage et bois de calage (de pin)

Étant donné la mise en œuvre de la Norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP) 15, intitulée Réglementation des matériaux d'emballage en bois utilisés dans le commerce international, le risque associé à cette voie d'introduction a été réduit à faible. À l'heure actuelle, la NIMP 15 n'est pas appliquée aux échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis, par conséquent, les emballages en bois solide non traité fabriqués aux États-Unis peuvent être déplacés vers le Canada, et inversement.

Grumes (de pin)

L'entrée des billes de pin provenant de pays autres que la zone continentale des États-Unis est refusée dans l'attente d'une analyse du risque phytosanitaire (ARP). Une ARP est requise pour évaluer le risque phytosanitaire posé par la marchandise, pour déterminer l'efficacité des options de traitement proposées et pour déterminer tous les ravageurs connus potentiellement associés aux billes. En ce qui concerne les importations en provenance de la zone continentale des États-Unis, la réglementation ne sera plus nécessaire étant donné que les États-Unis et le Canada déréglementeront le grand hylésine des pins presque en même temps.

Produits de pépinières de différentes espèces de pins

La probabilité que des coléoptères soient transportés par cette voie d'entrée dépend de la taille du produit de pépinière et du moment de l'année. Les coléoptères au stade immature ne sont pas susceptibles d'être décelés dans des pins jeunes en santé et destinés à être plantés, qui mesurent moins de 2 cm de diamètre; toutefois, les adultes pourraient s'alimenter des pousses jusqu'à maturation, même au printemps. Certains adultes commencent à se nourrir de pousses tôt dans l'année. Ils pourraient aussi hiverner dans l'écorce à la base des arbres si celle-ci est suffisamment épaisse pour offrir un lieu convenable. Il est peu probable que les jeunes arbres mesurant moins de 2 cm de diamètre constituent des lieux convenables à l'hivernation; mais, les spécimens plus grands pourraient avoir une écorce suffisamment épaisse.

Arbres de Noël appartenant au genre pin et autres articles de Noël non destinés à la propagation

Aucun arbre de Noël n'est importé d'un autre continent. La probabilité que des coléoptères hivernent dans des arbres de Noël du genre pin et autres articles de Noël non destinés à la propagation récoltés en Amérique du Nord est atténuée par les procédures phytosanitaires actuelles appliquées par les producteurs, tant aux États-Unis qu'au Canada. De plus, les coléoptères qui sont restés dans les arbres transportés à l'intérieur des maisons pourraient en sortir et continuer de se nourrir. Mais, lorsque l'arbre sera sorti de la maison, après les Fêtes, il est très probable qu'ils succombent aux températures ambiantes très froides.

5.2.2. Risque d'établissement

Ce coléoptère a déjà démontré ses capacités d'établissement au Canada et de survie dans les régions froides de l'Europe et de la Russie.

5.2.3. Risque de propagation

Les adultes peuvent voler sur des kilomètres pour trouver un hôte convenable (Humphreys et Allen, 1998), même si la distance habituelle est de moins de un demi kilomètre, avec de plus grandes distances dans la direction dominante du vent (Barak et. coll., 2000). Le taux de propagation annuel provenant de toutes les sources a été estimé à 16,5 km (intervalle de confiance de 90 %, de 14,0 à 19,2; Evans, 2016), avec une distance de dispersion naturelle annuelle d'approximativement 900 m (Barak et. coll., 2000).

5.3 Incidences économiques et environnementales potentielles

Le grand hylésine des pins existe en Amérique du Nord depuis les années 1980. Sa présence n'a pas été reconnue avant la décennie suivant son arrivée, probablement parce que les dommages qu'il cause aux produits de pépinières d'arbres de Noël lorsqu'il se nourrit de leurs pousses sont semblables à ceux que causent les phytoravageurs indigènes (Haack et. coll., 1997). Les dommages causés par le coléoptère aux plantations d'arbres de Noël, particulièrement dans les plantations mal entretenues (Haack et Poland, 2001), semble être la seule incidence économique résultant directement de l'insecte. Une étude effectuée en 2004 indique que ce dernier devrait être classé comme un ravageur secondaire qui attaque uniquement les pins récemment morts ou ceux qui sont soumis à un stress intense, puisque la plupart de leurs attaques (91 %) échouent, même sur des pins de faible vigueur. Les arbres qui ont succombé au ravageur étaient déjà dénudés à plus de 50 % en raison d'autres causes et, donc, plus faibles et incapables de faire écouler de la résine pour éjecter le coléoptère (Morgan et. coll., 2004). En 2012, l'évaluation actualisée du risque indiquait qu'« à présent, toutes les mortalités sont associées à la présence dans les environs de pins sylvestres soumis à un stress et on ne sait toujours pas si les pins indigènes pourraient supporter une éclosion destructrice en l'absence de pins sylvestres. »

Une évaluation économique de la valeur de la réglementation a conclu que, « selon des hypothèses conservatrices, il est très peu probable que le programme réglementaire actuel soit bénéfique. Dans l'hypothèse de l'estimation conservatrice de faible coût de la réglementation et des estimations élevées de la zone pouvant être touchée par le grand hylésine des pins, il y a seulement 7,5 % à 17,4 % de chances que le programme génère un bénéfice net, selon les taux de propagation. L'analyse de rentabilité a indiqué qu'un taux de mortalité beaucoup plus élevé que celui appuyé par la littérature scientifique actuelle et l'opinion des experts serait nécessaire pour une rentabilisation du programme » (Bogdanski et. coll., 2018).

L'évaluation de ces derniers présume que la propagation du grand hylésine des pins, qui est principalement causée par l'activité humaine, dans la forêt boréale, au nord de la région sud du Manitoba, ne se produirait pas, selon les méthodes d'exploitation forestière et les réseaux routiers actuels. Par conséquent, ils n'ont pas tenu compte des méfaits sur la forêt boréale des Prairies et les forêts situées plus à l'ouest. Toutefois, il n'y a aucune raison de supposer qu'il devrait y avoir plus de dommages causés sur ces régions que sur la région forestière des Grands Lacs, où le ravageur n'a touché que les pépinières de pins sylvestres et les arbres indigènes se trouvant près des pépinières de pins sylvestres grandement infestées.

6.0 Éléments à prendre en compte dans la gestion des risques phytosanitaires (GRP)

6.1 Règlement sur la protection des végétaux et directives connexes

Le Tomicus piniperda (grand hylésine des pins) est compris dans la Liste des parasites réglementés par le Canada, et à l'Annexe II (« Circulation restreinte dans les limites du Canada ») du Règlement sur la protection des végétaux.

6.2 Normes de la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV)

La CIPV est une entente internationale qui vise à protéger les plantes sauvages et cultivées en prévenant l'introduction et la propagation des ravageurs. Elle est reconnue par l'Organisation mondiale du commerce à titre d'organisme de normalisation relativement à la protection des végétaux. Selon la CIPV, les parties contractantes ne doivent pas exiger des mesures phytosanitaires pour les ravageurs non réglementés. Pour être réglementé, un ravageur doit satisfaire à la définition d'organisme de quarantaine ou d'organisme non de quarantaine réglementé. La définition d'organisme non de quarantaine réglementé ne s'applique pas au GHP.

D'après la CIPV, un organisme de quarantaine est défini comme un « organisme nuisible qui a une importance potentielle pour l'économie de la zone menacée et qui n'est pas encore présent dans cette zone ou bien qui y est présent mais n'y est pas largement disséminé et fait l'objet d'une lutte officielle. »

La NIMP 11, intitulée Analyse du risque phytosanitaire (ARP) pour les organismes de quarantaine, fournit les détails pour déterminer l'état d'un ravageur. Comme il est indiqué dans la NIMP 11, les estimations initiales dans le cadre d'un processus d'ARP sont fondées sur des situations hypothétiques. Au fil du temps, l'état du ravageur devrait être examiné.

Afin qu'un ravageur soit jugé potentiellement dommageable pour l'économie, celui-ci doit présenter :

Au cours des 20 dernières années, le Tomicus piniperda est devenu répandu dans l'est du Canada et n'est plus considéré comme une préoccupation relative à un organisme de quarantaine. Cela indique que les règlements actuels n'ont pas été efficaces en ce qui a trait au contrôle de l'établissement et de la propagation du ravageur et qu'ils ne sont plus justifiés.

6.3 Situation du ravageur et commerce avec les États-Unis

Le grand hylésine des pins est bien établi au Canada et aux États-Unis. Il a d'abord été observé au début des années 1980, puis son invasion a progressé de façon à empêcher toute possibilité de l'éradiquer. Malgré plus de 20 ans d'efforts déployés sur le plan du contrôle réglementaire, tant aux États-Unis qu'au Canada, le ravageur s'est propagé dans tout l'est de l'Amérique du Nord; pourtant, il n'existe aucune preuve montrant qu'il y a atteint des niveaux d'épidémie (Fowler et. coll., 2015; Haack et Poland, 2001). Le coléoptère se comporte comme un ravageur secondaire dans la forêt indigène, contribuant, comme dans le cas de nombreux autres insectes, au cycle naturel de dégénérescence et de renouvellement des végétaux.

Le 20 septembre 2019, le Département de l'Agriculture des États-Unis a informé le Canada de son intention de lever la quarantaine nationale concernant le grand hylésine des pins. Par conséquent, le commerce avec les États-Unis ne sera pas touché si le Canada déréglemente aussi le coléoptère. Si le Canada continue de le réglementer, les producteurs canadiens de produits fabriqués à partir d'arbres hôtes pourraient se heurter à des charges opérationnelles plus élevées dans la zone exempte du ravageur que celles dans les zones déjà infestées. Cela est attribuable aux mesures phytosanitaires qui sont actuellement exigées dans ces zones.

6.4 Incidences commerciales et économiques

L'évaluation du risque économique indique que le grand hylésine des pins n'est pas un ravageur d'une importance économique considérable au Canada (Bogdanski et. coll., 2018). Il est prévu que la déréglementation du grand hylésine des pins n'ait aucun effet négatif sur le volume de plantes hôtes qui circulent dans le cadre d'échanges commerciaux.

En tenant compte de tous les renseignements disponibles, le grand hylésine des pins semble se comporter comme un ravageur secondaire en Amérique du Nord et comme un ravageur principal uniquement au sein des plantations de pins sylvestres. La réduction de la demande de pins sylvestres comme arbres de Noël limitera davantage les dommages éventuels que cet insecte peut causer. En définitive, étant donné ses 40 ans d'histoire sans aucuns, ou avec de faibles, dommages économique et environnemental en Amérique du Nord, il n'existe aucune raison suffisante de continuer de le considérer comme un organisme de quarantaine.

Pour respecter les exigences réglementaires relatives au grand hylésine des pins, les ressources de l'ACIA ont été utilisées pour exécuter des programmes d'enquête ainsi qu'inspecter et gérer le déplacement du matériel potentiellement infecté dans l'ensemble du Canada et en destination des États-Unis. Les industries qui transportent des arbres hôtes ou du matériel potentiellement infecté dans des régions non infestées du Canada ont été tenues de mettre en œuvre des programmes phytosanitaires et d'en payer les frais. La levée du statut réglementé du grand hylésine des pins allègera l'industrie du fardeau de ces coûts.

7.0 Décision sur la gestion des risques

7.1 Consultation

La DGR initiale, proposant de déréglementer le Tomicus piniperda (grand hylésine des pins) à l'échelle du Canada, a été diffusée aux fins d'une consultation auprès des intervenants en juillet 2019, et les intervenants nous ont fait parvenir leur rétroaction. Les intervenants de toutes les provinces ont fait part de leur appui à la déréglementation du grand hylésine des pins.

7.2 Décision

Le Tomicus piniperda (grand hylésine des pins) ne satisfait plus à la définition d'organisme de quarantaine, selon NIMP 5. En outre, l'examen de l'approche réglementaire à l'égard de ce ravageur, comme il est indiqué à la section 5.3 du présent document, arrive à la conclusion que la réglementation continue n'offrira vraisemblablement aucun avantage économique.

Par conséquent, l'ACIA déréglementera le grand hylésine des pins. En conséquence, l'ACIA n'appliquera plus les règlements d'importation qui s'appliquent au matériel hôte du grand hylésine des pins en provenance de la zone continentale des États-Unis. De plus, l'ACIA ne prendra pas des mesures d'application de la loi relativement à la partie de l'annexe II (2) du Règlement sur la protection des végétaux (RPV) qui porte sur la circulation restreinte d'un matériel infesté par le grand hylésine des pins. Les États-Unis ont également décidé de déréglementer le grand hylésine des pins, entraînant le retrait des règlements nationaux ainsi que des restrictions à l'importation s'appliquant à l'importation d'un matériel hôte du grand hylésine des pins en provenance du Canada.

La mise en œuvre de la déréglementation du grand hylésine des pins nécessitera la modification ou la révocation des directives phytosanitaires d'importation pour éliminer toute référence aux exigences relative à l'absence du grand hylésine des pins. Le Système automatisé de référence à l'importation (SARI) sera également mis à jour pour tenir compte de la déréglementation du grand hylésine des pins.

L'ACIA travaillera également sur l'élimination du grand hylésine des pins de la Liste des parasites réglementés par le Canada et de l'annexe II (2) du Règlement sur la protection des végétaux.

8.0 Références

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