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Ce que c'est que de travailler avec les maladies les plus mortelles au monde

« La science joue un rôle absolument essentiel dans les moments de crise. Cependant, ce qui arrive des fois, c'est qu'on travaille en silo, et cette approche-là peut ralentir des développements et conduire à des compétitions inutiles. La diplomatie scientifique permet d'aider à surmonter ce type de défi. »

Laurence Dionne-Wilson, Gestionnaire nationale du bureau du Chef des opérations scientifiques de l'ACIA

« Il n'y a pas de vaccin, il n'y a pas de traitement qui fonctionne très bien. Donc ce sont des organismes à très hauts niveaux de contagiosité et risque pour l'humain et pour l'environnement. Le laboratoire est un lieu complètement fermé et l'humain qui travaille à l'intérieur ne fait pas partie de ce milieu-là. Il est isolé dans un scaphandre. »

Dre Catherine Brisson, Directrice du laboratoire de l'ACIA pour la santé des animaux à Fallowfield

Dans ce balado, nous découvrons un réseau reliant des laboratoires du monde entier. Qu’est-ce que c’est d'être l'un de ces scientifiques étudiant des virus comme la COVID-19, l'Ebola et la fièvre charbonneuse?

Ce que c'est que de travailler avec les maladies les plus mortelles au monde – Transcription audio

Laurence Dionne-Wilson (invitée) : Dans les années récentes, nous avons vraiment vu plusieurs épidémies qui ont été causées par des pathogènes qui sont des zoonoses et qui ont vraiment posé des menaces biologiques mondiales importantes, comme par exemple le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), Ebola et maintenant COVID-19.

Michelle Strong (coanimatrice) : L'étude d'agents pathogènes dangereux peut sembler relever de la science-fiction, mais ces installations et les scientifiques qui nous protègent des menaces biologiques sont bien réels.

Laurence : Donc, il faut vraiment être à l'affût parce que ces zoonoses émergentes peuvent être vraiment graves, peuvent causer des ravages pour la santé humaine. Elles peuvent vraiment être dévastatrices pour nos ressources agricoles et pour l'économie.

Greg : Le réseau BSL4Z a été créé par l'ACIA en 2016 pour améliorer la biosurveillance, développer la confiance et renforcer le partage des connaissances au niveau mondial.

Michelle : Salut, c'est Michelle.

Greg Rogers (coanimateur) : Et Greg.

Greg Rogers (Coanimateur) : Voici Inspecter et protéger, le balado officiel de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Michelle : 4Znet, aussi connu sous le nom de réseau BSL4Znet, est l'abréviation pour le Réseau de laboratoires de niveau de biosécurité 4 pour les zoonoses. Ouf... ce n'est pas évident à dire.

Michelle : Il relie les organisations de santé animale et humaine de l'Australie, de l'Allemagne, du Royaume-Uni, des États-Unis et du Canada.

Greg : En gros, c'est de la diplomatie scientifique en action.

Greg : Heureusement pour nous, Laurence Dionne-Wilson, Gestionnaire nationale du bureau qui aide à gérer le réseau, est ici pour discuter avec nous aujourd'hui.

Laurence : Bonjour, je m'appelle Laurence Dionne-Wilson. Je suis Gestionnaire nationale dans le bureau du chef des opérations scientifiques ici à l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Michelle : Salut Laurence. Pourrais-tu nous parler un peu du réseau, son objectif et son historique?

Laurence : Oui, tout à fait. Donc effectivement, notre laboratoire à Winnipeg fait partie du réseau BSL4Z.

Michelle : Les acronymes du gouvernement...

Laurence : Oui, la soupe d'alphabet. Le réseau a été conçu en 2016 après l'épidémie d'Ebola et le Canada a joué vraiment un rôle en premier plan pour organiser une réunion internationale. Le réseau en tant que tel a été créé pour renforcer la coordination internationale et améliorer le partage des connaissances par rapport aux zoonoses émergentes, donc les zoonoses qui sont nouvelles, qu'on ne connaît pas très bien. Le réseau cherche également à utiliser les capacités mondiales pour améliorer la préparation aux agents pathogènes qui sont soit actuels en ce moment qu'on connaît, ou ceux qu'on ne connaît pas encore. Comme, par exemple, qu'est ce qui est arrivé avec la COVID-19. Donc, le réseau aujourd'hui, en fait, c'est un partenariat composé de 17 organisations gouvernementales dans cinq pays, soit l'Australie, le Canada, l'Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis. Et chaque organisation membre, donc ces 17 membres, se concentre sur soit, la santé animale ou la santé publique, et il possède des capacités de recherche et de laboratoire pour travailler sur les pathogènes émergents. Au Canada, c'est l'ACIA ainsi que l'Agence de la santé publique, qui participent au réseau.

Greg : Et aujourd'hui, on parle du réseau de laboratoires de niveau de biosécurité 4 pour les zoonoses. C'est quoi ça?

Laurence : Il y a 4 niveaux de confinement en laboratoire, donc de 1 à 4. Et les laboratoires de niveau 4 sont réservés vraiment pour travailler avec les pathogènes les plus dangereux. Donc, on parle souvent d'exemples comme Ebola et le virus Nipah. Globalement, il y a très peu de laboratoires au niveau 4, mais au Canada, nous sommes chanceux. Notre laboratoire de niveau 4 se situe à Winnipeg. Quant aux zoonoses, les zoonoses sont en fait des maladies infectieuses qui sont naturellement transmissibles des animaux vers les humains. Donc, les zoonoses peuvent sauter, dans le fond, d'une espèce animale vers un humain. Puis ça pris causée par un virus, une bactérie ou même des parasites. Puis, on connaît des bons exemples de ça, comme par exemple les influenza zoonotiques comme la grippe porcine ou la grippe aviaire, la rage ou même la maladie de Lyme.

Michelle : Vous avez parlé de partenariats avec d'autres pays. Pouvez-vous expliquer c'est quoi la diplomatie scientifique puis pourquoi elle est tellement importante.

Laurence : La science, dans le fond, joue un rôle absolument essentiel dans les moments de crise. Cependant, ce qui arrive des fois, c'est qu'on travaille en silo, soit en tant qu'institution scientifique ou même en tant que pays individuel. Et cette approche-là peut ralentir des développements et conduire à des compétitions inutiles. Donc, la diplomatie scientifique permet vraiment d'aider à surmonter ce type de défi en facilitant la coopération internationale et l'échange entre les pays et leurs scientifiques respectifs. Pour ce faire, un des éléments clés est vraiment le développement des collaborations scientifiques en temps de paix. Donc, quand les choses vont bien. Ces collaborations là à ce moment-là, peuvent ensuite évoluer envers des partenariats de confiance, ce qui amène des avantages solides en temps de crise.

Michelle : Ça fait du bon sens parce que ce que quand on est en période de crise, c'est pas le temps de faire des partenariats à ce point-là.

Laurence : Exactement. À ce moment-là, quand on est en temps de crise, on est en mode réponse, on est en mode réactif. Alors que quand les choses vont bien, on est en temps de paix, on a le temps de bâtir des liens de confiance et ces liens de confiance, ça prend du temps à développer.

Greg : Ça me fait penser à la Station spatiale internationale. C'est un peu comme ça.

Laurence : Tout à fait. Puis vraiment, ça l'a beaucoup porté fruit lors de la pandémie de COVID 19, ce travail de préparer le terrain pour la collaboration parce qu'on a vraiment pu être capable d'échanger l'information très rapidement, de partager des protocoles, même partager des plans de recherche pour être capable de coordonner nos efforts de recherche entre les pays membres.

Michelle : Après avoir discuté avec Laurence, on voulait vraimentsavoir ce que c'était que de travailler dans les laboratoires contenant les pathogènes les plus dangereux au monde. Nous avons donc contacté la Dre Catherine Brisson, qui a accepté de nous faire vivre une journée de travail dans son labo. Catherine est directrice du Laboratoire de niveau BSL3 pour la santé des animaux à Fallowfield.

Catherine : Oui, je suis Catherine Brisson. Je suis vétérinaire de formation. Je suis directrice du Laboratoire de santé animale d'Ottawa depuis janvier 2011.

Greg : Salut Catherine. Pourrais-tu nous parler un peu du type de recherche que vous faites dans votre laboratoire?

Catherine : De manière générale, l'avantage d'avoir un laboratoire de niveau 3, c'est qu'on a accès à l'organisme. C'est à dire qu'on fait croître, on fait des cultures bactériennes ou des cultures virales. On fait croître l'organisme et quand on a accès à un organisme pur, là, à ce moment-là, on peut faire beaucoup de choses.

L'agent qui engendre la rage, la tuberculose, la brucellose. Ces agents-là sont présents au Canada, mais ne sont pas présents chez les animaux de la ferme ou chez les animaux domestiques. Ils sont présents chez les animaux sauvages. Alors, lorsqu'on travaille et qu'on veut développer un vaccin, on fait le séquençage complet du génome, et on le transfère à une compagnie qui va faire, qui va préparer les vaccins.

Une autre chose qu'on fait pour la recherche, on peut comparer le génome d'une bactérie qui est issue d'une portion du Canada par rapport à la même bactérie qui est issue d'une autre région du Canada chez les animaux sauvages. On a une base de données pour certaines bactéries, comme la bactérie qui fait la tuberculose bovine au Canada. On est capable de faire le lien avec la provenance en comparant tous les génomes de toutes les bactéries qui causent la tuberculose bovine au Canada, aux États-Unis, au Mexique. Ce qui est intéressant dans ce cas particulier, c'est qu'à la suite de nos recherches, on a invité des provinces à collaborer avec nous et à nous envoyer les bactéries qui causent la tuberculose bovine, mais qu'ils ont vu chez l'humain. Parce que la tuberculose est une maladie qui est transmissible entre l'humain et l'animal. Donc, c'est très intéressant. C'était une innovation au niveau nord-américaine.

Greg : Et est-ce que vous collaborez avec des scientifiques dans d'autres pays aussi, ou c'est plutôt l'Amérique du Nord?

Catherine : À l'Agence, un de nos principaux mandats, au niveau des laboratoires de l'Agence… la portion en recherche, c'est de développer et de valider de nouveaux tests, des tests qui sont meilleurs, qui sont améliorés par rapport aux tests existants. Il y a certains tests, ou pour certaines maladies à travers le monde, pour lesquels il n'y a pas d'harmonisation des tests. C'est-à-dire que le test fonctionne un peu dans chacun des pays. Mais il n'y a pas vraiment un test qui est solide, qui est fiable, qui fonctionne au niveau international. Une des maladies sur laquelle on travaille présentement, c'est la morve, qui est une maladie qu'on voit chez le cheval.

Michelle : La morve...

Catherine : Oui, la morve, et qui est transmissible chez l'humain.

Michelle : Je suis tu la seule qui a réagi à ça?

Catherine : En anglais c'est « glanders »… On a vu une éclosion il y a quelques années dans un pays européen. C'est une vieille maladie, mais là, il y a une éclosion récente. Alors ça a comme généré de l'intérêt. Et généré surtout … On a réalisé qu'il n'y avait pas d'harmonisation au niveau des tests au niveau international, alors on travaille avec les Américains. Mais on travaille aussi avec l'Agence australienne. Parce que principalement, c'est très, très important d'avoir un très, très bon test, mais aussi, c'est que ça permet et ça facilite les échanges commerciaux et le mouvement des animaux. Ce sont des chevaux, principalement des animaux, qui vont venir pour compétition. Et ces animaux-là, typiquement, ils vont d'un pays à l'autre. Alors si entre les pays, on est capable d'avoir un test qui est harmonisé et on est capable de dire OK, alors votre animal a été testé dans tel pays et nous, on reconnaît ce test-là. C'est important, c'est une des priorités pour l'Agence et pour notre laboratoire.

Michelle : Changement un peu de sujet Catherine, mais ça serait quoi des exemples de différences entre les labos BSL3 versus BSL4?

Catherine : Un BSL4, eux autres ne portent pas de masque. Ils portent des scaphandres. Ce sont des maladies, les niveaux 4, les organismes peuvent être fatals pour l'humain. Il n'y a pas de vaccin, il n'y a pas de traitement qui fonctionne très bien. Donc ce sont des organismes à très, très hauts niveaux, de contagiosité aussi et à très haut risque pour l'humain et pour l'environnement. Le laboratoire est un lieu complètement fermé et l'humain qui travaille à l'intérieur de ces laboratoires-là ne fait pas partie de ce milieu-là. Il est isolé dans un scaphandre.

Michelle : Et puis, les labos niveau 3, au lieu d'un costume astronaute, c'est plus, genre, des masques?

Catherine : Tu pourrais regarder au niveau de l'habillement. Regarde un film où est-ce que tu as une salle de chirurgie. D'accord, les gens possèdent un masque, un chapeau, des lunettes, double gants. Ils ont une tunique de chirurgie. Ils ont les gants par-dessus la tunique pour être bien sûr qu'il n'y a rien qui passe en dessous. Dans certains laboratoires, pas tous, mais dans certains laboratoires, dépendamment de ce qu'on fait, les gens sont même nus sous leurs vêtements. Parce qu'ils ont pas le droit d'apporter rien à l'intérieur. Mais il fait très chaud. Pour eux, il fait très, très, très chaud.

Michelle : Merci à Laurence et Catherine d'avoir pris le temps de discuter avec nous aujourd'hui. Pour conclure notre épisode, nous voulons vous ramener à la conférence organisée par le réseau cet automne. Vous allez entendre la voix de Debbie Eagles, qui discutera de l'importance d'avoir de la communication ouverte et transparente avec les partenaires internationaux et avec le public. Elle est directrice adjointe du Centre australien de préparation aux maladies.

Debbie Eagles (conférencière vedette) : Je pense que la transparence est importante, mais je ne vous dirai pas que c'est facile. Je pense qu'il est incroyablement important que nous soyons transparents sur le travail que nous faisons et que nous soyons à l'aise d'en parler. Et cela inclut, par exemple, le travail avec les animaux. Mais si nous sommes à l'aise pour faire les recherches, nous devrions nous sentir à l'aise pour en parler. Oui, ce n'est pas facile, mais je pense que le développement de cette relation avec nos médias locaux ou nationaux autour du travail que nous faisons d'un point de vue positif est très important, par exemple, lors d'une pandémie. Il ne s'agit pas de nous regarder en disant : « Nous ne savons pas ce que vous faites. Nous n'avons jamais entendu parler de vous auparavant. » Je pense donc qu'il est extrêmement important d'être proactif et ouvert à ce sujet à tout moment, et pas seulement pendant une pandémie.

Greg : Vous écoutez Inspecter et protéger, le balado officiel de l'ACIA, où nous aimons parler de la salubrité des aliments, de la santé des plantes, de la santé des animaux... et maintenant des maladies les plus mortelles du monde, je suppose. Vous pouvez nous trouver sur Apple Podcasts, Spotify, Google Podcasts, et probablement n'importe quelle autre application que vous aimez.

À la prochaine!

[Fin de l'enregistrement]

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